La réforme du système foncier rural qui a été
entérinée, le 12 octobre, lors du 3e plénum du 17e Comité
central du Parti communiste chinois donne le droit aux paysans chinois de
transmettre leurs terres.
Il faut savoir que les paysans disposent depuis 1983 du droit contractuel d’exploitation de la
terre, mais le droit de gestion de leur parcelle est un droit essentiel dont
ils ne bénéficiaient pas jusqu’à présent. En leur donnant ce droit et en leur
octroyant la possibilité de négocier le droit d’exploiter leurs terres, le
gouvernement devrait permettre aux paysans de mieux valoriser leurs parcelles avec l'idée qu'elles deviendraient alors susceptibles de générer plus de revenus .
La situation actuelle dans les campagnes exige cette évolution. Comme la surface arable par agriculteur est peu élevée (de l'ordre d'un demi-hectare par foyer rural en 2004), les collectivités rurales (elles sont propriétaires en titre de la terre) doivent répartir de façon équilibrée bonnes et mauvaises terres. Cela conduit à un morcellement des parcelles, d’où une augmentation inutile des coûts de production. Par ailleurs, bon nombre de paysans vivent toute l’année loin de chez eux - ceux sont les "fameux migrants" ou "mingong". Ils font du commerce ou travaillent comme ouvriers dans les usines ou sur les chantiers un peu partout en Chine. S’ils disposaient du droit de gérer librement leurs terres, ils pourraient concéder leurs parcelles à ceux qui continuent à se consacrer à la production agricole voire retourner dans les campagnes!
Cette réforme n'intervient pas par hasard et je pense qu'elle est à prendre comme une première mesure pour faire face à la crise économique qu'aura à traverser la Chine tôt ou tard. Mes arguments sont les suivants:
Il faut savoir que depuis la fin des années 90 ceux sont des millions de paysants qui quittent les campagnes pour les villes en espérant trouver un meilleur emploi et gagner plus d'argent dans les villes que dans leurs campagnes. Malheureusement, ce qui attend ces millions de migrants dans les villes n'est guère plus réjouissant que dans leur village natal. Avant 1983, il était interdit aux paysans de quitter leur province d'origine, mais devant l'accroissement du chômage et du sous-emploi dans les campagnes, le gouvernement a permis à des millions de personnes de partir vers les villes, pour leur laisser la chance d'avoir un meilleur emploi, ces migrants, appelés « mingong » min voulant dire peuple et gong, « ouvriers », ne purent réellement partir de leur campagnes que vers les années 1990. Le nombre de migrants ne cesse de croître d'années en années, ils sont plus de 200 millions selon les chiffres officiels. Ceux sont ces migrants, corvéables à merci, qui travaillent dans les usines ou dans les chantiers et qui ont réellement permis à la Chine de devenir ce qu'elle est aujourd'hui.
Or aujourd'hui un grand nombre d'usines (principalement dans le secteur du textile et du jouet dans le Sud de la Chine) ferment leurs portes pour cause de ralentissement de la demande mondiale laissant ainsi sans travail un grand nombre d'ouvriers.
Ce qui préoccupe plus que tout le gouvernement central Chinois c'est la stabilité sociale. Hors le nombre de manifestations dans le pays ne cessent de croitre: 74 000 en 2004 puis 84 000 en 2005, plus de 100 000 en 2006... Ces manifestations sont dues à des expropriations sans dédommagement de la part des autorités locales, récupération des parcelles de terre pour les vendre à des promoteurs... et sont la plupart du temps isolés ou dans des hameaux reculés - on assiste aussi à des manifestations dans des usines sordides où les ouvriers sont maltraités pour des salaires de misère (je ne parle pas des usines modernes où les conditions de travail tout comme les salaires sont tout à fait corrects).
La crainte de voir ces mouvements de protestation isolés se transformer en un mouvement de contestation à l'échelle nationale - due à un taux de chômage qui explose provoquée par une crise économique majeure serait une véritable menace pour la stabilité du pays et absolument pas tolérable pour le gouvernement central.
C'est pour cela que je pense que cette réforme est une première action qui vise au moins à freiner la migration des paysans vers les villes et aussi avec l'espoir que les migrants qui ne trouvent pas de travail dans les villes retournent à la campagne.
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