Dans un article très récent du Daily Telegraph (1) on peut
lire que depuis plusieurs mois le Bureau National des Réserves (BNR) chinois
réalise des achats de cuivre à un rythme et à des niveaux qui ne sont
compatibles ni avec une reconstitution des réserves ni avec l’hypothèse d’une
reprise de la croissance mondiale plutôt molle (c'est-à-dire une reprise en L
plutôt qu’en U). Le BNR n’achète pas que du cuivre mais aussi de l’aluminium,
du zinc, du nickel ainsi que des métaux plus rare comme l’indium, le rhodium ou
le praséodyme (verre).
L’Or n’est pas en reste car ce 24 Avril Pékin annonce une
augmentation de ses réserves d’Or (2), les faisant passer de 450 tonnes en 2003
à 1 054 tonnes cette année ! Oui vous avez bien lu une augmentation
de plus de 150% en l’espace de 6 ans.
Les investissements dans les entreprises étroitement liées
aux matières premières s’intensifient également. La dernière opération
spectaculaire a été annoncée le 31 Mars avec l’acquisition de 17,6% des parts
de Fortescue Metals Group Ltd pour la somme de 1,3 Milliards de Dollars
Australien par le groupe Chinois Hunan Valin Iron & Steel (3). Cette
acquisition a été approuvée par le gouvernement australien. L’Australie avec
son sous-sol riche en minerais est l’objet de toutes les convoitises de la part
de la Chine car China Minmetals Group tente d’acquérer OZ Minerals Ltd tandis
que China Aluminum Corp concentre son attention sur Rio Tinto Group.
L’Afrique n’est pas en reste avec des acquisitions (ou joint
venture) chinoises au Zaire et dans la République Démocratique
du Congo.
Autre phénomène étonnant et beaucoup plus récent, c’est
l’engouement pour les terres arables. La Chine, comme les pays du Golfe
persique ou la Corée, se sont lancées dans l’acquisition (location la plupart
du temps) de Terre arable en Afrique, en Indonésie et même récemment en Russie.
La Chine possède déjà 14 fermes en Zambie, Zimbabwe, Ouganda
et Tanzanie. Et pour exploiter ses fermes, Pékin compte expatrier 1 Million de
paysans chinois d’ici à 2010 (4)!
Je ne vais pas vous faire une énumération à la Prévert (je
vous invite plutôt à consulter le site suivant qui est fort bien documenté: http://farmlandgrab.blogspot.com)
mais je vais au moins vous citer les projets suivants :
- Au Congo, le géant chinois des télécommunications, ZTE
International, a acheté plus de 700 000 hectares
de forêt pour planter des palmiers à huile (chercher le rapport qu’il y a entre
un agriculteur et un fabricant de réseaux de télécommunication). Au Zimbabwe,
China International Water and Electric Corp aurait reçu l’autorisation du
gouvernement pour exploiter une ferme de 250 000 hectares.
-
China National Overseas Oil Corp, basé à Londres est en train de développer des
plantations de biocarburants en Indonésie.
-
Deux sociétés chinoises, Ho Nan Ching et Yunnan Hongyu ont reçu l’autorisation
du Myanmar pour exploiter ces concessions de caoutchouc.
Et tout cela avec le soutien sans équivoque des autorités
centrales chinoises qui ouvrent des lignes de crédit quasi-illimitées (pratique
quand les banques sont possédées par l’état) à toutes les entreprises qui se
lancent dans des acquisitions similaires.
Ce phénomène est pour moi une réelle bombe à retardement et une source
potentielle de désordres sociaux d’une extrême violence – sans parler des
impacts sur l’environnement ni sur l’eau. Comment penser un seul instant que dans le cas d’une
inflation des prix des produits alimentaires de première nécessité, la
population locale, qui si elle n’est pas affamée souffre de mal nutrition, va
rester sans réaction alors qu’il existe à proximité des terres arables
cultivées et dont les récoltes sont expédiées en Chine, en Arabie Saoudite ou
ailleurs.
Alors pourquoi cette ruée vers les matières premières ?
La première hypothèse, celle qui est mise en avant par les
politiques chinois, c’est qu’il y a de plus en plus de bouches à nourrir et de
moins en moins de terres cultivables – ces dernières étant sacrifiées aux
démons de l’immobilier. Soit mais jusqu’à présent la Chine a toujours été
autonome en ce qui concerne l’alimentation de première nécessité. Les denrées
alimentaires importées concernent en fait des aliments que la toute nouvelle
classe moyenne veut absolument consommer pour ressembler aux pays occidentaux.
Une autre hypothèse, spéculative celle là, consiste à penser
que s’il y a une reprise rapide de la croissance mondiale, le prix des matières
premières remontera rapidement, et donc des plus values substantielles à la
clé.
Mais s’il n’y a pas de reprise rapide de la croissance
mondiale ? Si nous jetons un œil sur les pays qui sont les plus actifs, à
savoir l’Arabie Saoudite, la Chine ou la Corée du sud, comme par hasard nous
constatons aussi que ceux sont les pays qui achètent le plus de bons du trésor
US – chaque pays ayant une raison bien précise de la faire d’ailleurs.
Avec l’augmentation quasi verticale de la dette US, il est
difficile d’imaginer que le « dollar fort » fasse long feu. Tôt au
tard, il sera dévalué, le problème pour les acheteurs de la dette US, c’est précisément
de savoir quand ? Et quand on parle de dévaluation, le chiffre avancé est
de l’ordre de 50% au moins. Si vous détenez 1900 Milliards de $US de réserves de change dans vos
coffres comme c’est le case de la Chine, une telle dévaluation n’est pas
acceptable.
Une façon subtile de se débarrasser de ses dollars, et bien
c’est de les échanger contre des actifs. Mais pas n’importe quel actif !
En effet si vous pensez (hyper)
inflation et bien vous acheter des matières premières, dernier refuge
traditionnel contre la chute des monnaies.
Quelques observateurs pensent ainsi que des pays comme la
Chine principalement sont en train silencieusement de se débarrasser de leurs
dollars américains – devenus un placement risqué - en les échangeant contre des
actifs qui eux auront de plus en plus de valeurs dans le future.
Cette année et l’année prochaine les Etats-Unis d’Amérique
vont émettre des bons du trésor pour des montants qui donnent le vertige. La
question qui va donner de plus en plus de sueur froide à la sphère financière
c’est « y aura-t-il toujours des acheteurs ? ».
Il semblerait que pour certains pays, les mouvements financiers
réalisés en coulisse tendent à nous faire penser que la réponse est NON.
Il y a une autre façon
de présenter ces investissements dans les matières premières. Je vais faire
très court et synthétique mais si des lecteurs souhaitent que j’argumente mes
propos – je le ferais avec plaisir.
Aujourd’hui, revigorer
par la montée des bourses, les « experts » sortent du bois pour
clamer à qui veut l’entendre que la fin de la crise est proche. Après tout,
elle est (était) sévère, certes mais le plus dur est passé. D’autres experts,
fort peu nombreux ceux là il est vrai, s’étonnent !
Deux visions de cette
crise s’affrontent, les tenants d’une crise sévère mais considérée comme un
dérapage, des excès qui seront vite purgés, et quelques uns qui pensent que nous
vivons une crise de fin de cycle – donc quelque chose de beaucoup plus profond.
Que vous soyez d’un bord ou de l’autre, les conséquences que vous en tirerez
seront radicalement différentes.
Les premiers vous
diront qu’une fois les excès purgés, et bien tout repartira comme avant, une année 2009 calamiteuse (il faut purger
les excès), un peu de croissance en 2010 (un peu de convalescence) et la
vitesse de croisière pour 2011 – un nouveau ère de croissance semblable à celle
que nous avons connu en 2003-2007. Et puis une nouvelle crise plus tard – après
tout comme disait Marx le Capitalisme est structurellement en crise – il faut
juste s’y habituer.
Les seconds sont
nettement plus sombres. Ils vous diront que nous sommes dans une dépression
plutôt longue car les mesures prises par les responsables ne sont pas à la
mesure du problème. Ils ajouteront que le modèle économique que nous
connaissons depuis 30 ans – c'est-à-dire – une croissance tirée par
l’endettement ; et bien ce modèle n’est plus viable. C'est-à-dire que des
PIB à 3-4% et des croissances de bénéfices pour les entreprises à 2 chiffres
par an, c’est fini. Un nouveau modèle économique est à inventer. Alors
évidemment là nous faisons face à de gros, vraiment très gros problèmes, car l’effet
concomitant c’est que les régimes de capitalisation pour les retraites, de
sécurité sociale… tout cela se trouve remis en question car construit sur une
croissance constante et positive du PIB.
Si injecter 4
Trillions pour relancer l’économie US, avec la possibilité que ce montant soit
porté à 12 trillions d’ici à 2010 ne vous effraie pas – personnellement il me
glace. Et si vous êtes d’une nature profondément optimiste et que vous pensez
que cette injection massive de capitaux préservera la stabilité économique et
sociale de notre monde soit je veux bien vous suivre mais ensuite comment
purger (oui on purge beaucoup dans le Capitalise) les excès de liquidité ?
Vous allez probablement faire face à une hyper-inflation à la hauteur de la
vitesse à laquelle vous avez imprimé vos billets de banque – et oui c’est
le moyen le plus pacifique que nous connaissons pour réduire les liquidités.
Et comment ce protéger
de l’hyper inflation ? Matière première est souvent le mot magique !
(1) A 'Copper Standard' for
the world's currency system? By Ambrose Evans-Pritchard
Daily Telegraph 16 Apr 2009
(2) China
admits to building up stockpile of gold by Alfred Cang and Tom Miles, Reuters
Financial
Post - Friday, April
24, 2009
(3) Bloomberg – March 31 - Jesse
Riseborough in Melbourne at [email protected];
Jason Scott in
Perth at [email protected].
(4) LE MONDE | Sécurité alimentaire (1/5) | 14.04.09 | Article paru dans
l'édition du 15.04.09
(5)
FACTBOX: Foreign forays into African farming,
Reuters | Fri Mar 20, 2009
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