Je vais poster une série d’articles sur la Chine, l’immobilier tout d’abord, ensuite un article de Michael Pettis qui donne son avis sur les perspectives de croissance du PIB de la Chine dans les années qui viennent et enfin un autre plus lié à l’aspect démographique. La démographie est rarement invoquée dans les analyses économiques et pourtant, elle est une donnée indispensable qui permet à certains auteurs comme Harry Dent par exemple d’expliquer et même de prévoir des années à l’avance la croissance spectaculaire des Etats-Unis mais également son déclin et surtout à quel point il est vain d’invoquer une croissance qui ne viendra pas tout simplement parce que le groupe de la population le plus important en nombre et en moyen aux Etats-Unis ne consomme plus mais économise !
Commençons par l’immobilier, vous trouverez ci-dessous une analyse très détaillée de l’immobilier chinois et les signes d’un très fort ralentissement qui se manifeste dans les chiffres des premiers mois de l’année 2012.
L’auteur est Patrick Chovanec , il est Professeur à l’université de Tsinghua de Pékin. Il est également l’auteur d’un blog : http://chovanec.wordpress.com/
Comme la lecture de l’article, long et technique, pourrait en rebuter plus d’un, voici les points essentiels que j’ai retenu :
• Les développeurs, accablés par les ratios d'endettement de 70% et les prêts à remboursés dont les échéances arrivent à grand pas, se précipitent pour terminer les projets qui sont dans leur pipe, afin de mettre ces unités sur le marché et lever des fonds.
• A quoi s’ajoute une enquête de la banque centrale (PBOC) a indiqué que seulement 14,1% des consommateurs chinois seront à la recherche d’une maison au second trimestre 2012, le niveau le plus bas depuis 1999. Seulement 17,7% d’entre eux pensent que le prix des maisons devrait augmenter au 2e trimestre, et 62,9% ont dit qu'ils considèrent toujours que les prix sont trop élevés
• Mais ces unités ne se vendent pas aussi bien que par le passé, comme le montre les chiffres ci-dessous ;
• D’une année à l’autre les ventes au 1er trimestre, pour tous les biens immobiliers, était en baisse de 14,6% ;
• Les Ventes de propriétés résidentielles ont diminué de 17,5% ;
• Les ventes dans le secteur de l’immobilier de bureau ont baissé de 10,2% ;
• Les ventes en Janvier-Février sont un désastre, la baisse globale est de 20,9%, par rapport aux deux premiers mois de 2011, de -24,7% rien que pour le secteur résidentiel ;
• Montant total de l'espace au sol « à vendre » était en hausse de 35,5%, par rapport à la même date l'an dernier ;
• Surface au sol des unités résidentielles « à vendre » a augmenté de 47,4% ;
• Environ l’équivalent d’an et demi de biens immobiliers de stocks excédentaires est caché quelque part dans le pipe des développeurs ;
• Les mises en chantier en Avril ont diminué de 14,6% en année glissante et de 27,0% de mois en mois ;
• Les mises en chantier a chuté -14,4% en glissement an et -23,4% sur un mois mois ;
• Le financement étranger pour le développement des biens est en baisse de -91,4% en Mars et en Avril -80,8%, par rapport aux mêmes mois l'an dernier.
Et pour finir, si les investissements dans l’immobilier forment un plateau (la croissance tombe à zéro), cela pourrait coûter 2,6 points de pourcentage au PIB réel. Si elle a chuté de 10% (en termes réels et non pas nominaux), il pourrait amener la croissance du PIB Chinois à 5,3%.
L’analyse de Patrick Chovanec s’ajoute à la liste, déjà longue, d’analyses qui prédisent l’explosion de la bulle immobilière chinoise. Le problème des bulles c’est qu’il est difficile de prédire quand exactement elles vont exploser car les institutions du pays en question utilisent tous les moyens à sa disposition pour l’empêcher. Néanmoins elle a le mérite d’éplucher les chiffres pour montrer que le secteur montre d’inquiétants signes de détresse.
China Real Estate Unravels
De Patrick chovanec
Comme un prélude à une analyse plus large du PIB de la Chine, et la précision de ses chiffres officiels du PIB, je veux commencer par examiner les statistiques nationales de l'immobilier pour les quatre premiers mois de 2012. Cette discussion se nourrit dans le tableau plus large du PIB, mais l'histoire des biens qui se déroule est important et assez intéressant pour être utile de prendre un coup d'oeil près de son propre.
Obtenir une vue précise du secteur des biens immobiliers est compliquée par le fait que ni l'indice officiel des prix, ni l'indice des prix SouFun, ni le prix moyen / mètre carré qui peut être calculé à partir des chiffres donnés par les investisseurs ne semblent pas très cohérents les uns avec les autres ou ni avec chiffres collectés auprès des points de vente des promoteurs qui ont proposés des réductions impressionnantes pour attirer les acheteurs au cours des huit derniers mois.
Les développeurs et les gouvernements locaux jouissent également d'une grande latitude pour décider de ce qu'il faut considérer comme « mise en chantier » ou bien «disponible à la vente». La publication des données mensuelles ne sont jamais révisées, ce qui donne souvent lieu à des corrections qui sont tout simplement énormes car publiées à la fin de l'année en Décembre, ce qui donne une image déformée de la façon dont les tendances se déroulent (si, par exemple, la baisse de 19% dans les biens immobiliers commence en Décembre 2011, elle n'était probablement pas aussi soudaine que ce qu'il paraît, et reflète plus probablement une baisse non déclarée qui s’échelonne sur plusieurs mois).
Tout cela étant dit, je vois certaines tendances frappantes dans les données qui nous disent essentiellement deux choses:
• Le marché n'est pas prêt de se rétablir, mais continuera à subir une plus grande pression à la baisse sur les prix, et
• L'investissement immobilier est susceptible de s'aplatir ou même de commencer à chuter, effaçant plusieurs points de croissance du PIB.
Le mois dernier, de nombreux observateurs se sont consolés à la lecture de rapports qui dans l'ensemble montrent que l'investissement immobilier au 1er trimestre a augmenté de 23,5% (en termes nominaux) par rapport à la même période l'année précédente.
C’est sûr, c’est une chute par rapport à 2011, lorsque l'investissement immobilier a augmenté de 27,9%, ou bien 2010, quand il s’élevait à 33,2%. Mais ce chiffre semblait encore refléter une croissance résiliente, à peine un effondrement du marché, plutôt le genre de ralentissement modeste compatible avec le concept d’«Atterrissage en douceur ».
Très peu de gens se sont demandé d’où cette croissance de l'investissement provenait. Après tout, le marché a été clairement en difficulté. Année-sur-année des ventes au 1er trimestre, pour tous les biens immobiliers, sont en baisse de -14,6%. La baisse a été encore plus forte, -17,5%, dans l'immobilier résidentiel, qui représente environ 80% du marché. Les ventes ont baissé dans l’immobilier de bureau de -10,2%, tandis que la croissance «commerciale» (vente au détail) des ventes de propriétés, qui a connu un boom en 2011, est retombée à 10,5%.
Bien que de nombreuses personnes vantent une reprise de mois en mois des ventes en Mars, par rapport à la période du Nouvel An chinois, les ventes de mars étaient toujours en baisse de -7,8% par rapport à l'année précédente, pour le secteur dans son ensemble, et -9,7% pour le secteur résidentiel (par comparaison, les ventes en Janvier-Février ont été un désastre, une baisse -20,9% dans l'ensemble, par rapport aux deux premiers mois de 2011, -24,7% pour le résidentiel).
Compte tenu de cette constante chute des ventes, il n'est pas surprenant que le secteur de l’immobilier du neuf commence à décrocher. J'ai déjà mentionné que la baisse de 19% des mises en chantier en Décembre a peut-être été un peu une aberration statistique.
Les Mises en chantier en janvier-février ont augmenté de 5,1%, bien que les gains ont été réalisés entièrement à partir de l’immobilier de bureaux et de commerces – le secteur résidentiel lui est resté stable.
Mais les mises en chantier du mois de Mars ont baissé de -4,2%, le secteur résidentiel a baissé de -9,8%, ce qui fait les mises en chantier – tous secteurs confondus - pour le 1er trimestre sont restées stables (+0,3%) mais le secteur résidentiel, lui, est en baisse de -5,2%.
Les ventes de terrains pour le 1er trimestre ont aussi été stables, avec une hausse des ventes de 2,5%, mais avec une baisse du prix de -3,9%.
Donc, si les ventes étaient en baisse, et les mises en chantier stables ou bien tirées vers le bas, d’où vient la croissance de l'investissement de 23,5% pour le premier trimestre 2012?
Les développeurs, accablés par les ratios d'endettement de 70% et les prêts à remboursés dont les échéances arrivent à grand pas, se précipitent pour terminer les projets qui sont dans leur pipeline, afin de mettre ces unités sur le marché et lever des fonds.
Le taux d’achèvements (mesuré par l'espace au sol) a augmenté de 39,3% au 1er trimestre, par rapport à l'année dernière. Mais, bien sûr, ces unités ne se vendent pas aussi bien que l'année dernière, en conséquence de de quoi le stock des invendus lui est en augmentation. A la fin du 1er trimestre, le montant total de l'espace au sol « à vendre » était en hausse de 35,5%, par rapport à la même date l'an dernier, tandis que l'espace au sol des unités résidentielles « à vendre » a augmenté de 47,4%.
(C'est juste l'espace au sol que les développeurs reconnaissent mettre à la vente. Les développeurs utilisent beaucoup d’astuces pour garder des biens en dehors du marché, afin de truquer les données officielles et d'éviter que les acheteurs soient en position d’attente. À la fin de l'année 2011, la superficie totale « en cours de construction »a été d'environ 4,6 fois la superficie vendue cette année. En supposant qu’il faut généralement trois ans pour construire une unité, du début à la fin, cela suggère qu’il doit y avoir environ un an et demi de stocks excédentaires cachés quelque part dans le pipeline. Le ratio pour l'immobilier résidentiel est de 4,0, ce qui suggère que, s'il peut y avoir environ l’équivalent d'une année de stocks invendus en ce qui concerne l’immobilier résidentiel, en ce qui concerne l'immobilier commercial le stock en bien plus important. Bien qu'en termes absolus, c'est l'offre excédentaire qui importe).
Les développeurs Chinois se trouvent dans une sorte de dilemme du prisonnier: se précipiter pour terminer, dans l'espoir de pouvoir encaisser des liquidités. Mais alors que l'offre ne cesse d'augmenter, la demande elle, est en baisse.
À la fin de Mars, une enquête de la banque centrale (PBOC) a indiqué que seulement 14,1% des consommateurs chinois seront à la recherche d’une maison en Q2, le niveau le plus bas depuis 1999. Seulement 17,7% d’entre eux pensent que le prix des maisons devrait augmenter au 2e trimestre, et 62,9% ont dit qu'ils considèrent toujours que les prix sont trop élevés.
Donc, toutes les unités mises sur le marché dans la précipitation ne font qu'ajouter à la surabondance de biens déjà disponibles, poussant les prix plus bas et offrant aux acheteurs - les investisseurs et les résidents comme pour les acquéreurs potentiels - d'autant plus de raison de se tenir à l’écart dans l’attente de meilleures affaires.
C’est peut-être pourquoi Qin Hong, directeur adjoint de la recherche pour le ministère du Logement et du Développement Urbain et Rural (MOHURD), a déclaré au Morning Post à la fin de Mars qu'elle ne s'attend pas à ce que le prix des logements puisse rebondir de manière significative pour le reste de l'année. Un fort rebond est impossible, dit-elle, en raison de la politique restrictive de l’accès à la propriété et de l'inventaire élevé de logements disponibles.
La deuxième conséquence de la dynamique que je viens de décrire est que la «résilience» de la croissance de l'investissement immobilier qui semblait promettre un «atterrissage en douceur» n'est pas résistant du tout. C'est plus comme le dernier soupir d'un marché qui est en perte de vitesse. Une fois que la flambée de Mars aura fait son effet, le nombre de mises en chantier (en forte diminution) deviendra le pipeline, et la croissance dans l'investissement immobilier va au mieux s’aplatir au pire devenir négative.
L’investissement pour le développement de l’immobilier compte pour environ un quart de l'investissement brut de capital fixe (FAI), et le montant net du FAI compte pour plus de la moitié de la croissance du PIB chinois. Comme je l'ai noté en Janvier, si les investissements dans l’immobilier forment un plateau (la croissance tombe à zéro), cela pourrait coûter 2,6 points de pourcentage au PIB réel. Si elle a chuté de 10% (en termes réels et non pas nominaux), il pourrait amener la croissance du PIB à 5,3%.
A l'époque lorsque j'ai vu cette dynamique dans les données, les chiffres du 1er trimestre était sorti, j'ai pensé qu'il faudrait plusieurs mois pour commencer à voir se concrétiser le scénario que j’ai esquissé. Mais les chiffres d'avril suggèrent que c’est déjà une réalité. En Avril, l’ensemble des « achèvements » ont progressé de seulement 2,8% d'année en année (baisse de 39,3% au T1), et les achèvements dans l’immobilier résidentiel ont plafonné à 0,8% (en baisse de 40,0% au T1).
Comme les achèvements se sont essoufflés, la croissance de l'investissement immobilier s'est nettement ralentie, à seulement 9,2%, l'investissement dans le secteur résidentiel à tout juste 4,0%. L'investissement a en fait diminué de mois en mois, en termes absolus, de -10,7% et -9,5% dans le logement. En fait, il n'a augmenté en année glissante qu’ en raison d'une faible base programmée en Avril dernier. Si vous avez faites le calcul en partant d’Avril 2012 par rapport à Mai 2011, vous obtiendrez une baisse d'année en année de -9,1% pour l'investissement immobilier global, et -11,0% pour le logement. (Dans ce contexte, il est intéressant de noter que, selon le Bureau municipal des statistiques de Beijing, la croissance globale des investissements immobiliers dans la capitale est déjà négative en Janvier-Février, pour la première fois depuis trois ans, chutant de -4,6%).
S’il y a un bon côté des choses en ce qui concerne le « plateau des achèvements », c'est que les stocks invendus ont progressé moins rapidement par rapport à l'année précédente. Les surfaces au sol « à vendre » ont effectivement augmenté en Avril, en termes absolus, mais pas de beaucoup. Il est important de se rappeler, cependant, tous les stocks d'invendus qui restent cachés dans le pipeline, comme indiqué précédemment.
Pendant ce temps, la contraction des ventes, les nouvelles mises en chantier, et la vente de terrains se sont enfoncées dans le rouge en Avril. Bien que la baisse des ventes semble s'atténuer légèrement pour le secteur dans son ensemble (-4,5%) et pour le logement résidentiel (-2,9%), ce fut encore en grande partie attribuable à un effet de base inférieure du dernier Avril, quand les ventes reculent de mois en mois de près de RMB 100 milliards. Cette année, les ventes d'avril ont également enregistré une importante baisse de mois en mois, -17,2% pour tous les biens et -15,5% pour le logement résidentiel. Le fait le plus frappant, est peut-être, que les ventes de biens commerciaux, qui ont été beaucoup plus résistants jusqu'à présent, ont également plongé, avec des ventes de bureaux en baisse de -23,4% en année glissante et -34,4% par rapport à Mars, et les ventes au détail des biens chutent de -9,5% en année glissante et de -22,7% de mois en mois. Avril a été le premier mois où toutes les trois catégories sont en baisse en année glissante.
Les ventes de terrains sont en chute libre. Le Chiffre d'affaires de vente de terrains en Avril (RMB 27 milliards) ont reculé de -54,7% par rapport à Avril l'année dernière (RMB 60 milliards d'euros), et -47,0% par rapport à Mars (RMB 51000000000). La superficie totale vendue est en baisse de -52,5% par rapport à Avril 2011, et -43,4% par rapport à Mars.
Il ne faut pas s'étonner que les investisseurs étrangers se retirent du secteur de l'immobilier en Chine continentale. Le financement étranger pour le développement des biens est en baisse de -91,4% en Mars et en Avril de -80,8%, par rapport aux mêmes mois l'année dernière.
Je pense que la plupart des lecteurs seront d'accord pour constater qu’un mouvement très puissant est en cours. Au moins un secteur majeur de l'économie chinoise (10 à 13% du PIB), qui avait été un moteur de croissance de premier plan, est sans aucun doute dans la contraction. Plus important encore, les dynamiques sous-jacentes de ces chiffres donnent à penser que le marché n'a pas touché le fond. C'est pourquoi j'ai dit à CNN, à la fin Avril:
« Personne n'a touché le bouton de panique encore," a dit Chovanec. "Tout le monde est dans l’espoir qu'à un certain point, le marché repartira. Mais je pense aussi que c'est le triomphe de l'espoir sur la raison. »
C'est toujours avec délectation que je lis vos articles.
Merci pour tout
Rédigé par : jmdel | 18 mai 2012 à 00:39