Le
second semestre 2007 aura vu apparaître une série d’événements qui mérite qu’on
s’y attarde :
- C’est
le fiasco d’une ingénierie financière mise en place pour doper les bénéfices
des grandes banques - sans contrôle des autorités financières ni des agences de
notations - qui donne lieu à une crise financière de « forte
magnitude ». Crise financière dont profite les fonds souverains (liste des
fonds à la fin de la note) pour entrer dans le capital des banques américaines
les plus prestigieuses – situation inédite qui était impensable
autrement ;
- C’est
l’abondance de liquidité stimulée par les banques centrales de grands pays
occidentaux qui font que les cassandres auront beau crier au krack boursier, il
n’aura probablement pas lieu car l’argent ne demande qu’à être réinvesti - ce qui n'exclus pas une correction de 15% à 20% des indices boursiers au cours de l'année ;
- Enfin,
c’est la relative insensibilité des économies émergeantes comme celle de la
Chine à la crise financière qui touche essentiellement les Etats-Unis et l’Europe.
Ce qui incite à penser que dans un futur proche la croissance mondiale ne sera
plus tirée par les Etats-Unis mais par l’Orient et dans une moindre mesure le
Moyen-Orient.
Il
est encore trop tôt pour tirer des conséquences de ces événements car les effets
de la crise financière sont à venir. Mais on peut déjà esquisser quelques
analyses.
Pour ceux qui n'iront pas plus loin, sachez que je vais bientôt mettre en ligne une étude sur l’énergie en Chine – prélude à la présentation d’une entreprise chinoise en rapport avec l’énergie bien sûr mais là je n’en dirais pas plus…
Les fonds souverains orientaux et moyen-orientaux à la
rescousse des banques
« Subprimes »
est le mot maudit qu’il ne faut pas prononcer devant un investisseur
aujourd’hui faute de quoi il sera pris d’une crise panique. Mais savons nous ce
qu’est le « subprime » réellement ? Parfois on voit apparaître
un autre acronyme plus précis tel que CDO (collateralized debt obligations).
Je
pense que c’est important de savoir de quoi on parle. Hélas, je n’ai pas vu
dans la presse française de tentative d’explication de l’ingénierie financière mise
en oeuvre dans les « subprimes ».
Le
Wall Street Journal (WSJ) l’a fait, et donc pour une explication très
didactique sur ce que sont les CDOs je vous invite à consulter le WSJ ici .
Qui
dit « subprime » dit titrisation et pour une explication que je
trouve limpide sur le sujet, je vous invite à consulter Wikipedia ici.
Maintenant
venons en à un événement de taille, les fonds souverains qui sauvent les
banques les plus prestigieuses, et la liste est plutôt longue :
La banque d'affaires américaine Merrill Lynch, à la recherche d'argent frais pour solder sa désastreuse aventure dans le "subprime", a annoncé qu'elle allait recevoir jusqu'à 6,2 milliards de dollars des fonds Temasek Holdings et Davis Selected Advisors.
Temasek
qui est le fond public singapourien concerné, va acheter pour 4,4 milliards de
dollars d'actions ordinaires Merrill Lynch et dispose d'une option pour en
acheter jusqu'à 600 millions de dollars supplémentaires d'ici le 28 mars 2008. Temasek,
ne détiendra jamais plus de 10% du capital de la banque. Mais il nous faut
noter un point important : Merrill Lynch ne précise pas si celui-ci se
verra reconnaître le droit de demander une représentation au conseil
d'administration et de participer à la gestion du groupe.
Le
solde du financement - 1,2 milliard de dollars - sera apporté par le
gestionnaire de fonds communs de placement Davis Selected Advisors.
Morgan
Stanley a fait appel au fonds souverain China Investment Corporation, qui va lui apporter 5 milliards de dollars d'argent
frais.
Cet
investissement pourrait à terme donner au fonds chinois jusqu'à 9,9% de Morgan
Stanley.
Pour
information, il s'agit à ce jour du second investissement de CIC, après celui
de trois milliards de dollars pour une participation minoritaire dans le fonds
américain Blackstone.
Citigroup a pour sa part été renfloué à hauteur de 7,5 milliards de dollars
par le fonds souverain d'Abou Dhabi : l'Abu Dhabi Investment Authority
(ADIA).
La banque
suisse UBS a dû lever 11 milliards auprès d'un autre fonds public de Singapour
(Government of Singapore Investment ou GIC).
La maison de courtage Bear Stearns Cos. a de son côté accepté en octobre un
échange d'actifs de 1 milliard de dollars avec le chinois Citic Securities Co.
En
quête de placements rémunérateurs pour ses abondants capitaux, la Chine devrait
profiter des turbulences des marchés financiers américains pour y investir,
comme l'illustre sa décision d'apporter cinq milliards de dollars à Morgan
Stanley.
"Cela
ne me surprendrait pas qu'il y ait d'autres investissements chinois dans des
institutions financières américaines", dit Paul Cavey, économiste de la
Macquarie Bank, basé à Hong Kong.
Pour
Zhang Ming, de l'Académie chinoise des sciences sociales, la crise aux Etats-Unis
est une bonne occasion.
"Le
marché financier américain passe par des turbulences et la résistance aux fonds
souverains du gouvernement américain diminue avec le besoin d'argent des
organisations financières", juge-t-il.
C'est
en fait le "meilleur moment" pour acquérir des actifs américains, à
moindres coûts, explique-t-il.
La crise de
financement qui secoue le monde bancaire survient paradoxalement à l'heure où
les liquidités abondent dans le monde, en particulier dans les pays émergents.
Les banques
sont confrontées à une grave crise de financement depuis cet été: ne sachant
pas lesquelles détiennent dans leurs portefeuilles des titres liés aux prêts
immobiliers à risque américains ("subprime"), susceptibles donc
d'enregistrer de nouvelles pertes, elles ne veulent plus se prêter entre elles.
Et ce au moment où les dépréciations d'actifs liées à l'éclatement de la bulle
immobilière aux Etats-Unis obligent les banques à renforcer leurs réserves
financières pour conserver de bons ratios de capitalisation.
"Ce
n'est pas qu'on manque de liquidités, c'est qu'elles ne circulent pas",
résume Jean-François Robin, stratège obligataire de Natixis.
Mais si le
marché interbancaire se retrouve quasi paralysé, les fonds en circulation
abondent dans le monde.
"La
masse monétaire mondiale augmente à un rythme infernal de 10% à 15% par
an", notamment à cause de la création monétaire des banques centrales de
grands pays occidentaux, remarque Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des
Economistes.
Les
réserves de change des grands pays exportateurs de biens de consommation comme
la Chine (1.455 milliards de dollars) ne cessent en effet de se gonfler, tout
comme celles des pays producteurs de matières premières, pétroliers en
particulier.
"Il y
a une poursuite de la croissance de la liquidité au niveau mondial. Si on prend
le bilan des banques centrales, les réserves de change chinoises continuent
d'augmenter, de même qu'en Russie ou dans les pays de l'OPEP",
l'organisation des pays exportateurs de pétrole, constate M. Robin.
En résumé les
pays émergents mais aussi des pays riches comme le Japon ou la Norvège disposent
d’énormes liquidités qui alimentent des fonds souverains destinés à faire
fructifier ces réserves monétaires.
Ces fonds
de plus en plus puissants, qui représentent plus de 2.800 milliards de dollars,
volent aujourd'hui à la rescousse des grands noms de la finance - qui déprécient
de plus en plus d’actifs et sont à la recherche d’argent frais pour se
recapitaliser - et prennent des parts significatives de fleurons de la finance.
Mais les
fonds souverains ne sont pas les seuls à disposer de liquidités en abondance.
Warren
Buffett (administrateur du fameux fond Berkshire Hathaway) a ainsi fait un
nouveau coup d'éclat en s’offrant 60% du holding industriel Marmon à la famille
Pritzker pour 4,5 milliards de dollars.
Les
assureurs et les fonds de pension, qui gèrent des centaines de milliards de
dollars d'épargne, ont beaucoup de liquidités disponibles.
"Ils
ont retiré leurs capitaux des actifs risqués", à savoir les actions et les
titres obligataires liés à la finance et à l'immobilier, à cause de la crise des
subprimes, explique le stratège de Natixis.
"Ils ont beaucoup d'argent à investir dans les prochains mois, ce qui
devrait aider les marchés à se remettre", conclut M. Robin.
La
Chine est probablement devenue en 2007 la 3e puissance économique mondiale
devant l'Allemagne. Si la croissance de l'année écoulée (11,4 ou 11,5%) se
confirme, le produit intérieur brut (PIB) du pays dépasserait alors les 3.000
milliards de dollars sur la base des statistiques de la Banque mondiale. Avec
une croissance de 2,5% cette année, le PIB allemand ressortirait quant à lui autour
de 2.900 milliards de dollars.
La
Chine a bénéficié de taux de croissance supérieurs à 10% chaque année depuis 2003 et
plus que doublé son PIB en six ans. Pour Pékin, l'objectif est de poursuivre
cet exploit au nom du développement du pays et aussi pour éviter une crise
sociale qu'un ralentissement brutal ne manquerait pas de provoquer.
Mais
les autorités chinoises savent aussi qu'une telle performance ne peut durer
éternellement et cherchent à anticiper le moindre retournement.
"Les
inquiétudes sont réelles", résume Jean-Charles Sambor, économiste chez
TCW, filiale de SGAM (Société Générale Asset Management). "La croissance
des exportations chinoises est susceptible de ralentir de manière significative
au premier semestre 2008 car nous anticipons une forte décélération de la
consommation intérieure américaine."
Le gouvernement central chinois est très concerné par la situation.
"Les
problèmes du « subprime » vont continuer parce que toutes les leçons
de la crise n'ont pas encore été tirées", a ainsi prévenu Liu Mingkang,
président de la Commission de régulation du système bancaire chinois.
Pour
la plupart des économistes et des prévisionnistes officiels chinois, la
croissance du pays ralentira à moins de 11% en 2008.
Ce
qui n’empêchera pas toutefois la Chine d’afficher une nouvelle année - la
sixième d'affilée - de croissance à deux chiffres, mais l'économiste chinois
Wang Xiaoguang estime que l'économie de la Chine a sans doute atteint en 2007
le point culminant de son cycle actuel de développement, suivi selon lui d'une
consolidation en 2008 et d'un tournant qui sera pris en 2009.
"Le
moment de l'apparition de la charnière cyclique de l'économie approche
rapidement et aura un impact important sur l'industrie lourde et sur
l'industrie chimique", a-t-il déclaré au Quotidien du Peuple. "En cas
de chevauchement entre ce réajustement et la correction économique mondiale,
les conséquences risqueraient d'être incalculables".
Liu
He, vice-ministre au sein du Bureau des affaires financières et économiques,
souligne de son côté que la Chine se prépare à un ralentissement mondial léger
dans le sillage des turbulences des marchés de crédit, tout en précisant que celles-ci
pourraient marquer un tournant pour l'économie de la planète.
Afin
de négocier ce tournant, la Chine recherche activement d'autres relais de
croissance et poursuit les réformes pour que la consommation intérieure finisse par
prendre la relève de l'export, surtout en période de ralentissement des
échanges internationaux. La relève apparaît déjà sur les provinces côtières les plus riches mais
cela demeure insuffisant.
"La
crise des crédits hypothécaires aux États-Unis pèse sur les dépenses des
consommateurs américains et pourrait également affecter les consommateurs en
Europe", a déclaré Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque de Chine, selon
des propos rapportés par l'agence officielle Chine nouvelle.
Il
exhorte donc aussi les entreprises exportatrices à explorer d'autres marchés
afin de minimiser les effets d'une baisse des exportations vers leurs clients
habituels.
"L'année
2008 sera moins bonne en terme d'excédent commercial", poursuit Sambor.
"Mais c'est aussi une bonne chose pour éviter le risque de surchauffe en
Chine et pour apaiser les tensions avec les États-Unis et l'Europe où certains
s'émeuvent du déluge d'articles chinois".
Je terminerais par une anecdote. Récemment
je suis allé sur le site officiel de Jacques Attali (attali.com) et j’ai pu
lire ceci :
Voici la liste des fonds souverains avec les pays concernés et les montants à leur disposition.
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