Le Baltic Dry Index (BDI) est un indice des prix pour le transport maritime en vrac (c'est-à-dire que les marchandises sont transportées par un vraquier – à ne pas confondre avec les porte containers) de matières sèches. Créé en 1998, cet indice est géré par la société britannique Baltic Exchange à Londres. Il est établi sur une moyenne des prix pratiqués sur 24 routes mondiales de transport en vrac de matières sèches, tels que les minerais, le charbon, les métaux, les céréales, etc.
Cet indice est considéré par de nombreux traders professionnels comme un indice précurseur de la santé d’une économie mondialisée. D’ailleurs ces mêmes traders avaient anticipés, à leur profit, la crise économique dont nous commençons à sentir les effets aujourd’hui.
Si vous observez le graphique ci-dessous, vous allez constater que cet indice a chuté de plus de 93% en à peine 6 mois, passant de 12,000 points au mois de Juin 2008 à 800 pts au le 26 Novembre 2008. C’est sans aucun précédent… et terrifiant car les cycles traditionnels du Commerce International semblent bouleversés.
Cela nous indique :
Que la demande en Frêt (Maritime) a lourdement chuté entraînant une chute des prix de transport. Donc en quelques semaines, les commandes se sont littéralement asséchées, tout comme les cales des navires…
Que La crise est bien mondiale, et la dynamique des pays émergents n'est plus suffisante pour compenser la chute de la demande des pays de l'OCDE. La vitesse et l'ampleur historique de la chute du Baltic Dry index indiquent également une crise particulièrement forte.
Que vu la corrélation forte existant entre le BDI et le secteur des matières premières, les nouvelles à venir ne s'annoncent pas vraiment favorables au niveau du cours des matières premières (en dehors des rebonds techniques toujours possibles). L'offre en matières premières a pour caractéristique de s'ajuster très lentement et avec retard à la demande : Quand la demande progresse vite, l'offre ne suit que difficilement, et les cours flambent (nous l'avons vu ces dernières années). Mais l'inverse est tout aussi vrai : en cas de retournement rapide sur la demande (c'est ce que le baltic dry index nous indique, avec un message particulièrement fort), l'offre ne s'ajuste pas tout de suite, et les cours plongent.
Mais il y a plus grave,
c’est le risque de l’effondrement de toute une chaîne de valeur - ce qui
explique en partie pourquoi un grand nombre d’entreprises chinoises dans le sud
de la Chine font faillite - comme le montre le remarquable article que je me
suis permis de traduire et dont vous trouverez la version originale ici.
Il existait une époque
(avant 1980), où le terme risque systémique ne se référait pas à la contagion
de la pénurie de liquidités dans le seul secteur financier. À cette époque,
l'économie réelle était beaucoup plus importante que celle d’une marge faible
pour une entreprise, il était entendu que risque systémique le plus effrayant
était celui de la contagion de la pénurie de liquidités du secteur financier à
l'économie réelle du commerce des biens réels et des services réels.
Si vous pensez à cette économie réelle, chaque transaction commerciale
nécessite l'intermédiation de banques au nom - à tout le moins - de l'acheteur
et du vendeur. Si vous allonger la chaîne d'approvisionnement en y ajoutant les
producteurs, les exportateurs, les importateurs et les agents qui jouent les
intermédiaires, la chaîne des banques concernées devient très longue et
complexe.
Quand les banquiers centraux de cette époque faisaient valoir que les banques
étaient «spéciales» - et donc exigeaient des capitaux plus élevés, des limites très
strictes sur les leviers, un contrôle strict de l’activité financière, et enfin
une exigence d’intégrité éthique et morale du management - c'est parce qu’ils savaient
le préjudice que l’effondrement d'une banque aurait sur la chaîne
d'approvisionnement pour les entreprises dans l'économie réelle, pour les gens
réels qui pourraient se retrouver au chômage réel et toutes les conséquences
liées au désordre social que cela ne manquera pas d’engendrer.
Comme ce caractère «spécial » des banques s’éroda avec le déclin de
l'économie réelle (et avec elle la migration au niveau mondial d'un grand
nombre de ces emplois réels fabriquant des biens réels et donc de fournir une réelle
valeur ajoutée réelle des services aux personnes), la nature du risque systémique a été modifié
pour devenir un auto référencement à l'élite financière. Les banques centrales
de la génération actuelle ne comprennent le risque systémique qu’en se référant
à la contagion de la pénurie de liquidités entre les institutions financières.
Nous sommes tous sur le point d'apprendre les leçons du passé à nouveau.
Nous commençons maintenant à voir les effets de contagion de la crise de
liquidités sur l'économie réelle. Nous sommes sur le point de revenir à une époque
bien sombre. Alors que ces banques imprudentes,
maintenues en vie par les banques centrales et au-delà par les
contribuables, se préoccupent essentiellement de distribuer à ses cadres des
primes indécentes et à ses actionnaires des dividendes extravagants et pour le
reste stockent des réserves de cash fantastiques dans les banques centrales
dans l’espoir de racheter un concurrent qui trébuchera, hélas ses banques
semblent avoir oublier leur obligation première à savoir remplir leur fonction
d'intermédiation de crédit et des transactions commerciales dans l'économie
réelle le long de la chaîne d'approvisionnement.
Le récent effondrement de 93 pour cent du Baltic Dry Index - un indice du coût
de l'affrètement de navires de marchandises en vrac pour des marchandises comme
les minerais, coton, céréales … - a provoqué bien peu d’émoi dans la sphère de
l’intelligencia financière. Bien pire au-delà de la chute de l’indice, peu de
personnes s’interrogent sur la raison de l'effondrement de l'indice -
l'effondrement des échanges de crédit basé sur la vénérable lettre de crédit.
Les lettres de crédit ont
financé le commerce depuis plus de 400 ans. La lettre de crédit est un
engagement de paiement généralement irrévocable souscrit par le banquier d'un
acheteur de marchandises ou autres prestations commerciales de payer le vendeur
si celui-ci lui présente pendant la période de validité de cet engagement les
documents conformes à ceux spécifiés dans le crédit documentaire et qui sont
censés attester de la bonne exécution par le vendeur de ses obligations. Par
ailleurs le risque est faible pour la banque émettrice car elle peut saisir et
vendre la cargaison si son client a un défaut de paiement. Comme beaucoup d'autres
choses dans cette crise financière, les vérités édifiées et éprouvées au fil du
temps ont été abandonnées au profit de nouvelles réalités bien plus désagréables.
La combinaison du gèle des prêts interbancaires avec l'effondrement de la bulle
spéculation sur les matières premières, a sapé la confiance des banques dans la
capacité de payer une obligation à l'échéance à une banque lointaine à la santé
financière incertaine et la confiance dans la valeur des matières sèches comme
garantie en cas de défaut de paiement. Le résultat est que ceux qui ont des marchandises
à exporter (vendre) et ceux qui ont des marchandises à importer (acheter), bien qu’étant digne de confiance et surtout
financièrement sécure, sont laissés sur le quai, sans financement bancaire pour
faire commerce.
A ces difficultés, s’ajoute le fait que les lettres de crédit sont à court
terme et qu'elles deviennent une cible de premier choix lorsqu’il s’agit de
réduire les lignes de crédits à un moment les Banques au niveau mondial refusent
de se prêter de l’argent.
Pour ajouter aux difficultés déjà évoquées, de nombreuses marchandises en vrac
sont financés en dollars. Les banques Non Etasuniennes ont été progressivement
privées de dollar car les banques américaines accumulent des dollars au fur et
à mesure de l’intensification de la crise. Les récents swaps de devises entre
les banques centrales devraient être considérées dans cette optique, en prenant
note de la répartition de liquidités en dollars de la Réserve fédérale à ses
principaux partenaires commerciaux comme le Brésil, le Mexique, la Corée du Sud
et Singapour en particulier.
On ne devrait pas laisser la FED régler ce problème car elle n’en fera pas une
priorité. En effet, leur détermination à accélérer le paiement des intérêts sur
les réserves, puis à élever ce taux pour atteindre le taux fixé sur les fonds
de la Fed indique la Fed sera plus enclins à limiter la liquidité nécessaire au
financement du commerce international plutôt que de l'améliorer. En outre, la
Fed va être très sélective dans son allocation de dollars à l'étranger, et
ainsi porter atteinte aux perspectives économiques d'une grande partie du monde,
attitude qui est soit indifférente voire hostile à la poursuite de l'hégémonie
du dollar américain.
Si le commerce par voie maritime s'arrête, c’est toute la chaîne d'approvisionnement qui
est gravement perturbée. Si le minerai ne va pas à la raffinerie, il n'y a pas
de plaque d'acier. Si les plaques d'acier ne sont pas expédiées, il n'y a pas
de « composants » à fabriquer. S'il n'y a pas de composants, il n'y a
rien à assembler dans l'usine. Si l'usine ferme les lignes de montage, il n'y a
pas de produits finis. S'il n'y a pas de produits finis, il n'y a rien à
réapprovisionner dans les étales des magasins. Si il n'y a rien dans les
magasins, les consommateurs n'achètent pas. Si les consommateurs n'achètent
pas, il n'y a pas de Noël.
Chacun tout au long de la chaîne d'approvisionnement devrait se soucier de son
emploi. Nombreux sont ceux qui le perdront plus tôt que tard.
Si le commerce de fret cesse, le blé n’est pas exporté. Si le blé ne soit pas
exporté, les moulins n'ont rien à moudre en farine. S'il n'y a pas de la
farine, les boulangeries et les transformateurs de produits alimentaires ne
pourront pas produire du pain et des pâtes et autres aliments. S'il n'y a pas
d'aliments expédiés dans les boulangeries et les usines, il n'y a pas
d'aliments dans les magasins. S'il n'y a pas d'aliments dans les magasins, les
gens souffrent de la faim. Si les gens souffrent de la faim ainsi que leurs
enfants alors les émeutes et les révoltes frappent aux portes des gouvernements.
Le Contrôle de l'accès au financement du commerce détermine qui perd son
emploi, qui sont les enfants qui souffrent de la faim, où auront lieu les
émeutes, quelles sont les gouvernements qui feront face à de graves crises
sociales. Sans s’attarder sur la question du financement du commerce international
et au besoin en liquidités qui y sont associées pour les pays émergents qui
tentent de soutenir un taux de croissance proche de celui obtenu ces dernières
années, peu de progrès peuvent être attendus. Le financement du commerce
communique rapidement le stress de la liquidité bancaire vers l'économie
réelle. Il présente un risque systémique beaucoup plus effrayant que
l'effondrement de la valeur d’un bout de papier échangé par voie électronique à
Londres et à New York. Il pourrait provoquer effondrement de l'emploi, le
bien-être et la stabilité politique de la plupart de la population mondiale.
L'Organisation mondiale du commerce a organisé une réunion sur le crédit lié au commerce international à Washington
mercredi pour souligner la rapidité et l'accélération de la détérioration dans
le financement du commerce international comme une priorité urgente pour la
politique publique.
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