On ne parle pas
assez des migrants qui ont permis à la Chine de devenir la fabrique du Monde.
En effet ce sont des millions d’ouvrières et ouvriers, la plupart venant des
provinces défavorisées comme Hubei, Hunan, Henan - provinces paysannes par
excellence - qui sont venues chercher du travail dans les provinces côtières là
où les usines sont installées. Ou bien certains d’entre-eux se déplacent de
chantiers en chantiers pour construire infrastructures, immeubles et autres
gratte-ciels dont la Chine est si fière aujourd’hui.
Ces migrant(e)s
travaillent alors pour 200 euros par mois dans des usines-dortoirs avec des
cadences élevées et dans des conditions de travail et d’hygiène plus ou moins
précaires, cela dépendant de la bienveillance (ou de la cupidité) des
propriétaires desdites usines.
La figure ci-dessous montre les provinces vers lesquelles les migrants se déplacent pour travailler.
200 euros nous
parait ne somme dérisoire mais pour bon nombre de migrants cela représente un
bon salaire et malgré des conditions de travail difficiles, ces derniers se
plaignaient peu.
Un fragile
équilibre s’étaient installé où chacun y trouvait son compte, les migrants
avaient un travail correctement payés à leurs yeux et les hommes d’affaires
chinois accumulaient les commandes, garnissaient leur compte en banque et en
échange garantissaient une pérennité de l’emploi.
Seulement voilà
se fragile équilibre vient d’être sérieusement ébranlé par le vent de la
tempête économico-financière qui s’abat sur la Chine. Et une nouvelle menace se fait jour que le
gouvernement central n’ignore pas…
"La pression
sur l'emploi est énorme, le risque social est aussi dangereux pour la Chine que
le choc financier l'est pour le reste du monde", estime Dong Tao, analyste
pour le Crédit Suisse à Hong Kong.
Le plan de relance annoncé
il y a quelques semaines de 455 milliards d’euros apparaît comme un moyen de
désamorcer la bombe sociale que serait un chômage accru. Conseillé par la
Commission nationale du développement et de la recherche, le gouvernement veut
encourager la consommation des ménages. Plusieurs mesures sont envisagées dans
ce plan, dont la hausse des salaires, des subventions aux familles aux revenus
modestes, des aides plus importantes à l’achat d’un logement, une augmentation
des contributions de l’État à la couverture sociale et à l’éducation.
Des faillites en chaine
Rien que dans la province du
Guangdong, la province la plus touchée par la crise car c’est elle qui
concentre les usines exportatrices de jouets, vêtements…. plus de 56000 entreprises ont déposé le bilan dans les 10
premiers mois de l’année 2008. Rien que dans le secteur du jouet, 53% des
exportateurs ont fermé dans les 8 premiers mois de l’année.
Je pourrais répéter les exemples à l’envie mais il semble évident aujourd’hui qu’une partie de l’industrie manufacturière chinoise est frappée par la crise économico-financière qui secoue la planète. Attention je dis bien une partie de l’industrie manufacturière, c'est-à-dire celle qui pourvoie nos pays en objets manufacturés de faibles et moyennes qualités. Il existe une industrie « haut de gamme » qui elle se porte plutôt bien et qui profite de la crise pour se consolider. C’est cette industrie qui prendra le relais de la précédente une fois la crise en voie de résolution.
Retour forcé des migrants dans leur
province d’origine
En
l’espace de seulement deux mois (septembre et octobre), plus de 300 000
migrants seraient déjà revenus au Hubei. A la gare de Wuchang, on indique que
le nombre de passagers à l’arrivée a considérablement augmenté ces dernières
semaines, avec une progression de près de 20 % du nombre de voyageurs en
provenance du sud du pays. A la gare routière, les cars qui assurent la
correspondance des trains de nuit sont pleins.
Le risque de
paupérisation est réel
Fin 2007, la Chine comptait 226 millions de travailleurs migrants, qui ont fourni cette année-là 90 % des revenus des 728 millions de paysans chinois. Oui c’est un fait, l’essentiel des revenus des paysans restés dans les provinces agricoles proviennent des ouvriers et ouvrières qui envoient une partie de leur salaire à leur famille.
Certaines d’entres elles parviennent sur nos écrans de télévision comme celle survenue en Juin dernier dans le canton de Wengan, dans la province montagneuse du Guizhou. La colère des habitants a éclaté après la mort d'une jeune fille, âgée de 15 ans, qui aurait été violée et sans doute assassinée par le neveu d'un notable de la région. Plusieurs bâtiments administratifs et des voitures ont été incendiés en signe de protestation contre la conduite d'une enquête sur la mort de l’adolescente. En effet l'oncle de la défunte, qui s'était élevé contre les résultats de l'enquête ayant conclu au suicide, serait également décédé samedi après avoir été passé à tabac.
Jusqu'à présent il était beaucoup question d’expropriation sans ménagement
de paysans avec des dédommagements ridicules par des promoteurs peu scrupuleux
qui s’étaient offert les services de responsables politiques locaux. En 2007,
le ministère de la Terre et des ressources a dénombré plus de 130.000 cas
d'expropriations illégales, concernant près de 100.000 hectares, soit une
hausse de 17,3% par rapport à 2005.
Zhang Xinbao, un responsable du ministère de la Terre et des ressources, a mis en cause les gouvernements locaux qui, "dans leur quête aveugle de la croissance économique", se soucient peu de respecter la loi pour pouvoir attirer les investisseurs.
"La poursuite de l'utilisation illégale des terres malgré son interdiction (par le gouvernement central) est due aux gouvernements locaux", a reconnu le directeur du département chargé de l'application de la loi, cité par la presse officielle.
Il faut reconnaître que le gouvernement central est conscient du fait que la corruption atteint des niveaux qui ne sont plus acceptables et de nombreuses mesures ont été prises pour endiguer ce phénomène.
Aujourd’hui les manifestations touchent les ouvriers qui sont licenciés sans ménagement d’une part et pire à qui on ne paie même pas les arriérés de salaire. Ainsi a Zhangmutou, une ville située entre Shenzhen et Dongguan (province de Guangdong), la fermeture des deux grandes usines du fabricant de jouets Smart Union Group a mis au chômage près de 7 000 travailleurs, et ce sont les autorités locales qui ont dû avancer l’argent pour régler les arriérés de salaire des ouvriers.
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