Pour faire suite à la note que j’ai rédigé sur les investissements conséquents de la Chine dans les matières premières, voici une traduction d'un article de Ambrose Evans-Pritchard paru dans le Télégraphe le 7 Mai qui apporte des explications supplémentaires. Vous trouverez l’article original ici. Il y a un réel risque de défiance des acheteurs de la dette US qui s'installe. La Chine envoie des signaux de plus en plus clair au gouvernement des Etats-Unis dans ce sens.
Article d'Ambrose Pritchard:
Dans son dernier rapport trimestriel, la Banque centrale chinoise note : « Une erreur dans la politique conduite par certaines grandes banques centrales pourrait créer des risques d’inflation dans le monde entier », pour ensuite ajouter :« Au moment où un nombre croissant d’économies sont en train d’adopter des politiques monétaires non conventionnelles, comme l’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing ou QE – j’ai ajouté une explication du QE à la fin de l’article - ndt), le risque de dévaluation des principales devises pourrait croître (on pense au $US, la £ et au franc suisse essentiellement car l'Euro lui risque d'atteindre des sommets - ndt).
La banque centrale chinoise craint une « consolidation majeure » dans les marchés obligataires, visiblement inquiète que leurs rendements s’envolent, lorsque les pays occidentaux tenteront de mettre un terme à leur expérience de QE.
Simon Derrick, responsable du secteur devise à la Bank of New York Mellon, déclare que ce rapport est le dernier signal en provenance de la Chine montrant qu’elle est en train de perdre patience vis-à-vis des États-Unis et tente de diversifier une partie de ses 1 950 milliards de réserves de change en recherchant une alternative aux bons du Trésor des États-Unis et aux actifs libellés en dollars.
« Il y a un changement significatif d’attitude en cours en Chine. Ils sont préoccupés par la stabilité du système financier mondial, de sorte qu’ils ne vont pas vendre les obligations américaines qu’ils détiennent. Mais ils accumulent encore 40 milliards dollars de nouvelles réserves chaque mois, et ils vont faire bien plus attention à où ils seront investis », souligne-t-il.
Hans Redeker, responsable des devises à la BNP Paribas, indique
que la Chine s’est convertie aux actifs physiques : « Ils veulent acquérir
des droits d’exploitation de matières premières et avoir accès à des ressources
comme le pétrole, l’eau, et les métaux. Ils savent qu’ils ne peuvent pas
continuer à acheter des obligations ».
A l’occasion du sommet du parti communiste qui s’est tenu en mars, le Premier ministre Wen Jiabao n’a laissé aucun doute sur le fait que la Chine soit irritée par les mesures prises à Washington en réponse à la crise du crédit, soupçonnant les Etats-Unis de s’être engagés volontairement sur un chemin menant à un défaut sur la dette en faisant baisser le dollar. « Nous avons prêté une grande quantité de capitaux aux États-Unis et nous sommes bien sûr préoccupés par la sécurité de nos actifs. Pour parler honnêtement, j’ai en effet quelques inquiétudes », avait-t-il déclaré alors.
Quelques jours plus tard, le directeur de la banque centrale a rédigé un document proposant une monnaie mondiale fondée sur les droits de tirages spéciaux émis par le Fonds Monétaire International.
Certains économistes estiment que la Chine souffre de « dissonance cognitive » en s’angoissant tant pour des réserves qui ont été accumulées en raison de sa propre politique visant à maintenir le cours du yuan bas afin de promouvoir les exportations. L’assouplissement quantitatif pratiqué par la Réserve fédérale et les autres banques centrales pourrait avoir également sauvé la Chine, car la stratégie de croissance du pays est basée sur la vente de ses produits en occident.
Les craintes exprimées par Pékin au sujet d’une inflation importée pourraient en fait refléter ses propres préoccupations quant à la surchauffe. La masse monétaire M2 a augmenté de 25% en mars par rapport à 2008, et la croissance du crédit a été explosive depuis que le gouvernement assoupli les restrictions sur les prêts. On peut craindre que la relance n’occasionne une nouvelle bulle, plutôt que de favoriser la croissance de l’emploi. La Bourse de Shanghai a augmenté de plus de 50% depuis novembre.
Le Quantitative Easing, quelques explications:
On parle pas mal actuellement de “quantitative easing” aux Etats-Unis. Qu’est-ce donc ? En gros, c’est le fait pour la Banque centrale d’accroître de manière conséquente l’offre de monnaie de manière à stimuler l’économie. Mais je vous conseille plutôt de regarder cette vidéo, très bien faite, qui explique tout ça bien mieux que je ne pourrais le faire.
Robert Lucas indique que, en dépit du fait que les principaux taux d’intérêt aux Etats-Unis soient déjà tombés à zéro, la politique monétaire reste le meilleur moyen de stimuler l’activité économique, précisément grâce au “quantitative easing”. De manière schématique, la Fed doit acheter des bons du Trésor et autres actifs sûrs. L’accroissement de la demande pour ces actifs qui en résulte induit une baisse de leurs taux d’intérêts, ce qui va rendre leur achat moins intéressant pour les banques commerciales qui finiront peut être alors par prêter la monnaie dont elles disposent aux ménages et entreprises. Lucas et d’autres privilégient la politique monétaire car, comme le ldit Lucas, “It entails no new government enterprises, no government equity positions in private enterprises, no price fixing or other controls on the operation of individual businesses, and no government role in the allocation of capital across different activities. These seem to me important virtues”. En clair, contrairement à ce qui se passe en cas de relance budgétaire, ce n’est pas l’Etat qui décide de l’allocation des fonds et des ressources.
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