En effet ce pays à une longue histoire dans l’étude du
comportement humain. Les théories comportementalistes (ou
behaviorisme en Anglais) ont vu le jour aux Etats-Unis au début du 20ième Siècle. Les pères fondateurs J. Watson et C. Hull inventèrent la théorie du stimulus-réponse, première forme de conditionnement élémentaire. Le behaviorisme
atteint son apogée avec B. Skinner et son conditionnement opérant dans les années
50. Dans son dernier livre « Par-delà la liberté et la dignité
(1971) », Skinner et ses acolytes ne cachaient pas que l’aboutissement de
leur travail, leur grand œuvre, n’étaient ni plus ni moins que le
conditionnement des masses comme moyen de contrôle social.
Dans les années 60/70 un vent de liberté souffla sur le
monde et évidemment le béhaviorisme déclina pour finalement tomber dans l’oubli
(momentanément) au bénéfice d’une psychologie humaniste, représentée par des
chercheurs comme Carl Rogers ou Abraham Maslow, centrée sur l’écoute de la
personne.
Parenthèse de courte durée, l’avènement de l’ordinateur, de
l’intelligence artificielle et de la cybernétique, dans une moindre mesure,
dans les années 70/80 permis aux rescapés du béhaviorisme de revenir sur le
devant de la scène. Le behaviorisme a été dépoussiéré et adapté pour devenir
cognitivisme. Les thérapies cognitivo-comportementales étant le champ le plus
abouti du conditionnement mental. Oui le projet de leur maitre à penser,
Skinner, reste toujours d’actualité. Comment conditionner les masses pour qu’elles
obéissent à un dessein, non avoué, bien spécifique.
Des décennies d’études, d’analyses, de mise en pratique dans
le marketing, les médias (lire à ce sujet l’excellent livre de Noam Chomsky
« La fabrication du consentement : De la propagande médiatique en
démocratie ») ont permis de distiller des croyances et des codes comportementaux qui se sont peu à peu intégrés aux structures sociales au sens large.
Je reconnais très volontiers que je fais des raccourcis et
parfois je caricature mais prenons un exemple, la dernière campagne de conditionnement de grande ampleur menée par les
Etats-Unis qui s’est tenue en 2003 pour préparer l’invasion de l’Irak.
Rappelez-vous, nous avons eu droit à une campagne menée de
main de maîtres par des experts en la manière, digne de l’ère soviétique.
L’organe du parti (républicain), FOX TV déversa des images à n’en plus finir
sur l’extrême dangerosité de l’IRAK, 5ième puissance militaire mondiale,
existence d’armes de destructions massives (chimiques plus précisément). Et
pour donner plus de crédibilités à ces assertions, sont convoqués des experts
de l’IAEA (International Atomic Energy Agency) ainsi que de vagues photos
satellites….
Et si une voix s’élevait pour s’interroger sur la véracité
des informations diffusées par la propagande, elle était aussitôt accusée
d’antipatriotisme voire de traitrise, rien de moins !
Tout cela pour servir les intérêts d’un complexe
militaro-pétrolier, les fantasmes d’une clique de néoconservateurs et les
complexes d’un Bush fils qui voulait finir le travail de Bush père et
probablement obtenir une reconnaissance qu’il n’aura jamais.
Néanmoins cette campagne a atteint son objectif à savoir
plus de 80% des américains étaient persuadés que l’IRAK détenait des ADM et
donc une intervention (musclée) était inévitable.
Et quand, quelques années plus tard, les preuves
s’accumulaient pour montrer que l’administration Bush a délibérément falsifiées
des informations pour justifier sa guerre, il n’y a eu aucune manifestation du citoyen
américain, absolument aucune ! Mais ce même citoyen était prêt à vouer aux
gémonies un Bill Clinton qui a eu une affaire avec une stagiaire ! Il y a
là une échelle de mesure de la gravité des faits qui laisse songeur… et qui
fait froid dans le dos.
Mai 2009, une nouvelle entreprise de conditionnement de même
ampleur se développe aux Etats-Unis. Cette fois l’objectif et les acteurs sont
différents.
CNBC a remplacé Fox TV, on invente des néologismes comme les
« pousses vertes » , les
experts de IAEA ont été remplacés par des économistes, ou des gestionnaires de
fonds très célèbres pour leurs avis éclairés comme Georges Soros, des stratèges
comme Abby Cohen (la stratège de Goldman Sachs qui avait également prédit une hausse des
marchés actions juste avant l’explosion de la bulle internet) et même Greenspan
qui sort de sa pénitence pour clamer, en cœur avec ses collègues, et à qui veut
l’entendre que la crise est finie !
Vous avez même des panneaux publicitaires le long des
autoroutes qui vous intiment l’ordre de penser que la crise est finie. Oui vous
avez bien lu, une association anonyme de la côte Est a financé l’affichage de
1000 panneaux, photos à l’appui ci-dessous :
L’ostracisme est toujours de mise, et les « traîtres à la nation » sont remplacés
par des « perma-bear », des gens pessimistes qui ne comprennent rien
à rien.
Le schéma de 2003 se répète, seuls
les acteurs et le discours changent.
Quel est le but de cette nouvelle manipulation de
masse ? Pourquoi déployer tant de moyens pour persuader le peuple américain
que la crise est terminée ? Où est l’urgence ?
Avant de répondre, je dirais qu’aujourd’hui vous avez deux
forces en présence :
La première incarnée par le trésor, la FED et ses bras armés
que sont Goldman Sachs (oui encore !), JP Morgan, AIG et quelques autres.
Cette force a plusieurs fonctions
- L’une d’elle qui est louable c’est de stabiliser les marchés
financiers ;
- Une autre moins louable c’est de faire monter les bourses
pour :
- Permettre aux banques et à d’autres grosses entreprises de
se recapitaliser – objectif atteint pour l’essentiel en Mai/Juin ;
- Permettre aux fonds de pension (là ou résident les retraites
de bons nombres de citoyens US) de se refaire une santé ;
- Et enfin permettre aux complices de la FED (les banques) de
se payer grassement au passage pour leur contribution à l’entreprise de
manipulation en cours;
- Faire croire que la récession est terminée ;
- Il y a certainement une autre qui vise à trouver de la
liquidité pour financer la dette US.
Il y a certainement de nombreuses autres raisons mais comme
elles m’échappent, je ne peux vous en faire part.
Et puis il y a une autre force incarnée par la réalité du
terrain :
- Les entreprises qui licencient pour survivre,
- Les ménages qui ne peuvent plus payer leurs emprunts. Les
retards de paiement dans le crédit immobilier ont grimpés au deuxième trimestre
à un niveau sans précédent et un propriétaire sur huit n'est plus en mesure de
rembourser ses emprunts ou fait l'objet d'une saisie,
- Accroissement des procédures de saisie immobilières,
- Les chômeurs qui sont en fin de droits et qui disparaissent
des statistiques,
- L’immobilier d’entreprises qui s’effondrent,
- Les faillites des banques régionales qui ne faiblissent pas,81 à ce jour!
- Les revenus issus des impôts en constante diminution forcent
les villes et les états à réduire leur prestation de services (sociaux pour la
plupart) et donc à licencier,
- Les actifs toxiques qui sont toujours dans les banques – je
vous invite à consulter cette interview d’Elisabeth Warren, présidente d’un
comité du congrès qui a pour fonction de surveiller les dépenses du TARP
(Troubles Asset Relief Program) – oui je pense que sa parole n’est pas dénuée
d’intérêt !
Bref une économie qui se délite
encore et toujours.
Laquelle de ces deux forces va
avoir raison de l’autre ?
Justement si nous revenons au pourquoi de cette vaste
campagne de manipulation, mon avis est le suivant : la FED et le Trésor manquent de temps ! En dépit de leurs
efforts, la situation se dégrade et leur ultime recours, ou espoir devrais-je
dire, pour gagner du temps c’est la reprise de la consommation.
Il semble qu’il ne reste plus que le
consommateur qui compte pour plus de 75% du PIB US et ce dernier doit consommer
absolument, ça devient un devoir patriotique !
Seulement voilà, le consommateur est terrassé par la peur.
La peur de perdre son travail, la peur de ne plus pouvoir payer ses dettes, de
ne pas pouvoir payer des études à ses enfants…
Alors est ce que ce conditionnement de masse actuellement à
l’œuvre va avoir raison de cette peur et ramener le citoyen américain à sa
fonction principale : consommer et à crédit s’il vous plaît !
Je n’ai pas la réponse mais par contre si le conditionnement
est inopérant, l’administration Obama a rendez-vous avec d’énormes problèmes à
la fin de l’année – la réalité viendra jetée une ombre sur l’espoir entretenu
jusqu’alors.
Pourquoi la fin de l’année? Entre autre si vous regardez le diagramme
des flux de resets établi il y a déjà pas mal de temps par le Crédit Suisse,
vous notez une forte augmentation des flux de resets sur toutes les formes de
crédits en 2010 et 2011, il faudra attendre 2012 pour respirer.
Qu’est ce qu’un reset? Généralement quand les gens obtiennent leur prêt, ils
ont la possibilité de payer soit avec un
taux d'intérêt plus faible ou bien ne rembourser que les intérêts
durant les premières années. Toutefois,
à un point précis, le reset, soit la totalité du montant du prêt devient
exigible soit le prêt est réajusté avec un taux d'intérêt plus élevé. Ceci peut
considérablement augmenter les mensualités, et le reset contribue
indubitablement à une augmentation du taux de saisies immobilières...
Je terminerais sur une note humoristique avec ce cartoon qui nous dit bien que malgré notre désir de contrôler, les choses peuvent nous échapper.
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