Marc Faber, est connu de la communauté financière
pour ses prédictions calamiteuses – Docteur Doom comme on le surnomme. Il reste néanmoins un grand spécialiste de
l’Asie puisqu’il y a fait l’essentiel de sa carrière (il vit aujourd’hui en
Thaïlande).
Il profite d’un bref séjour à Hong Kong pour livrer
ses prédictions à Bloomberg.
Depuis Novembre 2009, il prédit l’éclatement de la bulle immobilière
en Chine, mais aujourd’hui il se risque à donner un intervalle de temps, d’ici à
9 mois ou 12 mois. Il nous dit d’autres choses intéressantes sur les
matières premières et l’insolvabilité des banques mais je vous laisse lire l'article ici. En Février dernier il prédisait la guerre
civile aux Etats-Unis à plus ou moins brève échéance – Docteur Doom n’oubliez
pas.
Restons sur la Chine et sa bulle immobilière et
demandons nous quel(s) événement(s) pourrai(en)t faire éclater cette
bulle ? Selon moi, il faudrait des événements exogènes qui déstabiliseraient l’économie chinoise. De
l’intérieur la situation est sous contrôle – le gouvernement central y veille
et il a les moyens pour cela.
Qu’est ce qui à fait de la Chine ce qu’elle est
aujourd’hui mais qui peut s’avérer être également son talon d’Achille selon les
circonstances ? C’est sa capacité à produire pour le monde entier, grâce
aux exportations elle s’est enrichie au-delà de ses attentes.
La Chine dépend encore de la croissance des
économies européenne et US pour prospérer. Cela malgré ses efforts pour
développer une classe moyenne qui n’a pas encore atteint la masse critique qui
lui permettrait d’être moins vulnérable aux convulsions d’un capitalisme devenu
très fou.
La Chine a déjà connu une chute de ses exportations
en 2008 ce qui a entrainé la fermeture de milliers d’usines et le licenciement
de millions de migrants. Dans l’urgence,
le gouvernement a injecté 500 Milliards de Yuan pour relancer son économie.
Malheureusement pour l’essentiel, ce plan a alimenté (en partie) les bulles
financière et immobilière.
Le danger et donc nos événements
exogènes pourraient venir d’une rechute des deux plus grandes zones
économiques qui importent encore massivement des produits fabriqués en Chine.
N’oublions pas que si la Chine tombe, le Japon
suivra certainement car aujourd’hui la Chine est le premier importateur de
produit japonais. Les pays exportateurs de matières premières comme l’Australie
seraient en grande difficulté également.
Une rechute de la zone
Euro et des Etats-Unis est-elle possible ?
L’Europe à la croisée des chemins
Concernant l’Europe, l’actualité nous montre à quel
point la situation est critique. Le « marché » force l’union
européenne à prendre des mesures (drastiques) pour réduire les déficits et
quand ces mesures sont prises, le marché s’effondre à nouveau de peur que la reprise
(toute artificielle car alimenté par les mêmes déficits) ne soit mise à
mal. Bel exemple de situation de double
contrainte – découverte par l’école de Palo Alto dans les années 50 - qui mène
à la schizophrénie.
Pour se soustraire à l’emprise du paradoxe, il faut
faire preuve de courage et confronter le marché. Négocier permet juste de
gagner du temps avant de sombrer.
Une possibilité pour sortir de cette situation
paradoxale serait que les dirigeants européens s’unissent dans un dessein plus grand que leur
propre destin politique et se décident à
créer une Europe fédérale (au moins en définir l’agenda et s’y tenir) en
abandonnant une partie de leur gouvernance à une instance fédérale. Restructurer
le secteur financier ce qui reviendrait peut être à nationaliser certaines
banques et à en laisser sombrer d’autres ! Enfin ne pas subir ce marché
mais y faire face et montrer sa détermination !
Mais rester dans le paradoxe c’est certainement revenir
à une communauté européenne signant au
passage la mort de l’Euro, le retour au Franc pour nous, de l’hyperinflation (car
n’oublions pas que l’Euro nous protège de ce fléau) et des drames dans la
société civile.
Vu le courage et la capacité de se projeter dans l’avenir
de nos dirigeants, on ne peut guère être optimiste. Chacun joue sa propre partition, il n’y a pas
l’ombre d’un destin collectif en perspective. Tout cela est bien navrant.
A plus court terme, la probabilité de voir un autre
état défaillir et la récession s’installer à nouveau dans la zone Euro est très
élevée.
Les Etats-Unis et le choc des CMBS
Concernant les Etats-Unis, il y a un acronyme que
vous devez retenir, parce que vous allez
en entendre parler probablement à partir de cet été, cet acronyme c’est CMBS (pour Commercial
mortgage-backed security). Il s’agit de la titrisation de crédits hypothécaires
commerciaux couramment émis sur les marchés des capitaux aux États-Unis. Il
s'agit d'un mortgage-backed security (MBS) adossé à des actifs commerciaux
plutôt que des biens immobiliers. Or le marché de l’immobilier commercial s’effondre
(enfin depuis quelque temps déjà) à son tour et d’après les spécialistes n’atteindra
son point bas qu’en 2011. D’après Realpoint Research
les défauts de paiement dans le CMBS s’accélèrent (320% d’augmentation de
défauts en année glissante).
Mais dans le cas des
CMBS ce sont les banques régionales et les caisses d’épargnes qui vont
souffrir. 45% du financement des CMBS était
obtenu sous forme de crédits privés non-titrisés, par des banques commerciales
et des caisses d’épargne, qui ont accumulé environ $1,8 trillion des dettes en
immobilier commercial dans leur bilans.
Selon les données du
FDIC, les banques de taille moyenne (avec un bilan compris entre 300M et 1Md$)
sont fortement exposées à ce type des prêts (de l’ordre de 22-23% de leurs
bilan et de 33% des prêts totaux). Il y aurait ainsi près de 1000 petites banques commerciales qui
détiennent plus de 30% de leur bilan
dans le secteur de l’immobilier commercial.
On peut s’attendre
alors à ce que des centaines, oui des centaines, de banques régionales fassent
faillite cette année et l’année prochaine.
Ce qui va enclencher la
réaction en chaine suivante : ce sont les banques régionales qui prêtent
aux PME, donc leur faillite entraine des défaillances également dans les PME
qui à leur tour licencieront leurs collaborateurs, des personnes au chômage qui ne pourront plus
rembourser leurs prêts immobiliers et là
c’est l’immobilier résidentiel qui est impacté ainsi que les grandes banques.
Et je ne parle pas des
villes où même des états qui sont en situation de faillite et où on licencie à
tour de bras des fonctionnaires, des enseignants…
Bref tout cela pour dire qu’effectivement la
rechute aux Etats-Unis n’est qu’une affaire de temps...
La Chine se prépare t’elle à la prochaine convulsion de
la finance mondialisée ?
La probabilité d’une nouvelle récession mondiale
est élevée ce qui signifie pour la Chine une chute des exportations et des
soucis, beaucoup de soucis.
On constate déjà
quelques turbulences dans le marché immobilier, par exemple à Pékin on a observé une forte
chute du prix des transactions dans l’immobilier résidentiel – 9.6% en semaine
glissante et tenez vous bien une chute de 31% par rapport au mois d’Avril. Vous pouvez consulter l’intégralité de l’article
ici. On note la même nervosité à Shanghai.
L’indice de Shanghai semble anticiper de mauvaises
nouvelles sur le front économique.
D’autres réformes sont en préparation comme l’augmentation des fonds propres des banques
mais aussi une nouvelle méthode pour mettre les terrains constructibles en
vente (je vous en avais parlé dans une autre note - cela afin de contenir la corruption et stopper l'inflation des prix de l'immobilier).
Le gouvernement central est conscient de la menace qui pèse sur son
économie, il n’y a pas de doute à avoir sur ce sujet.
Il faut juste quand on le peut, décrypter les
mesures qui sont prises pour « refroidir »
cette économie en surchauffe.
Mais je pense que personne n’est en mesure, même pas Mister Doom, de prévoir comment la Chine réagira à un nouveau choc.
Bonjour,
Je vous avez laissé une petite question sur votre article Pourquoi la bulle immobilière en Chine est incontrôlable ? du 11 avril.
Qu'en pensez vous ?
merci
JM
Rédigé par : JEAN MICHEL | 18 mai 2010 à 15:47
Bonsoir JM, mince je pensais l'avoir expliqué dans la note lol. Alors je reprends, suite à une modification de la répartition des recettes fiscales entre provinces et gouvernement central, les provinces se retrouvent avec moins de recettes et plus de charges. Pour pallier ce déséquilibre, le gouvernement central à autorisé les provinces à conserver l'argent provenant du transfert des terres. Rapidement les hauts fonctionnaires ont compris qu'il y avait là de quoi s'enrichir très vite. Ils s'associent avec des promoteurs immobiliers et font flamber le prix du mètre carré de terrain constructible.
Pour dégonfler la bulle immobilière, le gouvernement central ne peut guère compter sur les provinces car les hauts fonctionnaires s'enrichissent avec le transfert des terres et la construction. Il y a en fait deux bulles, l'une sur le terrain et l'autre sur la construction.
Le gouvernement central doit donc faire pression sur les gouverneurs pour qu'ils arrêtent ce processus. Mais ce n'est pas si simple car banquiers, promoteurs, entreprises de travaux publics... sont parties prenantes également et tout ce petit monde a emprunté beaucoup, beaucoup d'argent.
Dégonfler les deux bulles (terrain+immobilier) risque d'entrainer des faillites de sociétés (trop d'emprunts avec une trésorerie inexistante) et mettre les banques en mauvaises postures (trop de prêts sans garanties).
Piloter un atterrissage en douceur relève de l'exploit dans ces conditions.
Rédigé par : fabrice | 24 mai 2010 à 22:13
Je n'ai pas été assez précis.
La question se trouve dans l'article du 11 avril "Pourquoi la bulle immobilière en Chine est incontrôlable ?"
Jm
Rédigé par : JEAN MICHEL | 26 mai 2010 à 18:58