Cet article de China Daily (voir ci-dessous) est intéressant car il présente une analyse du secteur de la Robotique en Chine, avec une revanche pour les pays industrialisés qui sont dans la situation des acteurs des Telecom au début des années 2000 – avantages technologiques sur les acteurs locaux et donc ils peuvent vendre à des prix élevés. Néanmoins ils doivent construire des usines en Chine et peut être seront-ils obligés dans le cadre de contrats d’envergures d’accepter de transférer de la technologie ? Un air de déjà vu dira t’on.
Malgré son retard technologique, les exemples « exotiques » en dehors des chaines de montage sont nombreux.
L’été dernier, le restaurateur Cui Runguan a vendu des milliers de robots découpeurs de nouilles, plus rapides et plus précis qu’un cuisinier en chair et en os.
En Janvier, un restaurateur en Chine a investi plusieurs millions de dollars dans un restaurant totalement automatisé :
Je peux lire de plus en plus d’articles sur la robotique. Dans un monde en pleine crise, les entreprises décident donc de se séparer de leurs salariés pour automatiser tout ce qui peut être automatisés. Le leitmotiv étant augmentation de la productivité, réduction des coûts.
Comme le fait remarquer Paul Jorion sur son blog en reprenant un graphique du Financial Time :
Aux États-Unis : le travail en rouge, les profits en bleu. L’écart qui se creuse entre les deux, ce sont les machines : robots, « algos » ou logiciel vulgaris…
Les questions posées par la robotisation dans un monde où déjà il n’y a pas assez de travail pour tout le monde restent ouvertes mais je ne vais pas les adresser ici.
Chinese robot wars set to erupt
La hausse des coûts salariaux et une crise démographique imminente stimulent la demande pour des «travailleurs automatisés » en Chine, alors que les entreprises s'efforcent de conserver leur avantage concurrentiel.
Sun Zhiqiang pense que l’effervescence à propos des robots qui anime la Chine en ce moment est idéale pour son entreprise. Sun Zhiqiang est directeur général du groupe Risong, une société d'automatisation située à Guangzhou, province du Guangdong, qui fournit des systèmes robotiques. La société Sun a profité de l'essor de la robotique au cours des deux dernières années. Bien qu'il ait refusé de fournir des détails, Sun a révélé que la compagnie fait près de 20 fois plus de revenus qu'il a 15ans quand il a commencé son activité.
Créée par Sun, ingénieur de formation, Risong a été un pionnier dans l'introduction de systèmes de robotique en Chine. Toutefois au début, l'entreprise perdait beaucoup d’argents, parce que le concept de robotisation n’intéressait personne.
«À l'époque, personne n'était vraiment intéressé par les robots » rappelle Sun. A chaque fois que j'ai essayé de promouvoir la robotique, la réponse était toujours: « Nous avons des ressources inépuisables de travailleurs. Alors, pourquoi s'embêter à utiliser des robots? »
Mais un changement démographique a contribué à changer la donne. La population Chinoise en âge de travailler va diminuer et les coûts du travail sont susceptibles de rentrer dans une spirale ascendante. Cela a donné un nouvel élan au développement des robots.
Le recensement de 2011 menée par le Bureau national des statistiques suggères que la population en âge de travailler commencera à diminuer en 2013, et la baisse va s'accélérer à partir de 2020, marquant la fin de ce qu'on a appelé « le bonus démographique».
Des recherches récentes menées par le cabinet Ernst & Young s suggère que le coût du travail annuel moyen par travailleur a augmenté à plus de 40.000 yuans (6.400 dollars) en 2011, sachant qu’il était à moins de 25.000 yuans il y a cinq ans.
Compte tenu du contexte, il est facile de calculer l’intérêt d’investir dans un robot. «En fait, les robots industriels sont déjà moins cher que les travailleurs dans les régions orientales de la Chine », a déclaré Wang Tianmiao, qui dirige le groupe d'experts de la robotique dans le cadre du Plan de développement de technologie avancée de l’Etat.
Wang déclare qu’un robot industriel typique coûte environ 300.000 yuans et a des coûts d'entretien annuels de l’ordre de 20.000 yuans. Sur 10 ans, le coût total de 500.000 yuans est considérablement inférieur à celui d'un technicien de 6000 yuans par mois, et les robots peuvent travailler trois fois plus efficacement.
Un marché en pleine effervescence
En général, les robots se divisent en deux catégories, industrielles et de services, selon une définition donnée par la Fédération internationale de la robotique (IFR), une alliance industrielle située à Francfort, en Allemagne.
Les robots industriels sont utilisés dans les applications d'automatisation industrielle, alors que les robots de service sont trouvent habituellement dans les domaines de la médecine, de l'inspection et de l’entretien, mais ils ont aussi des usages personnels et domestiques.
Cependant, le chiffre d'affaires de robots de service est faible comparée à celui des robots industriels. En 2011, le marché des robots industriels valait 8,5 milliards de dollars, tandis que celui des robots de service représentaient à peine $ 636 millions.
D’après Sun, le boom de l'automatisation a prospéré depuis 2010, alors que les entreprises chinoises se sont précipitées pour investir dans les robots industriels pour automatiser leurs chaines de de fabrication.
Le dynamisme de ce nouveau marché compte tenu des nouvelles commandes qui s'accumulent promet des revenus décents pour Risong. Comme preuve de cette tendance, en 2011, Foxconn Technology Group, dont les usines sur le continent chinois assemblent les iPads d'Apple Inc, a promis d' installer 1 million de robots au cours des trois prochaines années.
Les robots sont efficaces: ils peuvent travailler 24 heures par jour, offrir plus de rendement dans le travail répétitif, sont beaucoup plus précis et tiennent les fabricants éloigner des tracas liés au travail humain, a dit Zhu Shiqiang, professeur au Département de génie mécanique de l'Université du Zhejiang à Hangzhou .
Globalement, 2011 a vu s'envoler les ventes de robots 38% en année glissante avec 166.028 unités vendues, de loin, le plus haut niveau enregistré pour une seule année, selon l'IFR.
La Chine a représenté une grande partie de cette croissance robuste, avec 22.600 unités vendues, soit une hausse de 51% par rapport à 2010. Le nombre de robots industriels vendus chaque année en Chine a quadruplé entre 2006 et 2011.
La Chine est maintenant le sixième rang au monde sur le marché en termes d'installation de robots, et l'IFR prédit que le pays va dépasser le Japon comme premier consommateur de robots industriels d'ici 2014, avec une demande atteignant 32.000 unités.
Zones spécialisées dans la robotique
Le gouvernement chinois soutient le développement de robots. Le 12ième plan quinquennal (2011-15) a présenté un plan pour les recettes globales dans le secteur des équipements intelligents pour dépasser 1 trillion de yuans en 2015, soit un taux de croissance composé de 25% a indiqué Wang Weiming, directeur adjoint du département industrie de l'équipement de le ministère de l'Industrie et de l'Information.
L'objectif ambitieux comprend également 30% des équipements intelligents avec les nouvelles technologies développées en Chine.
Actuellement, il y a au moins six grandes zones qui se concentrent dans le secteur de la Robotique dans le pays, selon Zhao Yong, Directeur de Robot-China, un fournisseur d'informations en ligne de sur l'industrie nationale.
Les zones sont largement centrées dans et autour des zones économiques clés comme Shanghai, Beijing, Guangzhou et Chengdu.
Le gouvernement municipal de Shanghai a mentionné les robots comme l'une de ses principales industries dans les années à venir, et il espère que l'industrie va générer près de 20 milliards de yuans en 2015, selon Dai Haibo, directeur de la Commission de Shanghai de l'Economie et des Technologies de l'Information.
Jusqu'à présent, la ville a attiré des poids lourds de l'industrie tels que l'Allemand Kuka AG, le groupe Suisse ABB, le Japonais Fanuc Corp et les premiers fabricants chinois, Siasun Robot and Automation Co.
Le gouvernement local encourageant ces entreprises à s'installer dans le parc industriel de la robotique de Shanghai , la plus grande zone de la robotique dans le pays, a dit Wang Huai, directeur de Baoshan Gucun de Shanghai.
La zone de 3 kilomètres carrés vise à permettre aux principaux fabricants de robots à produire ce qui se fait de mieux et à contribuer à l'internationalisation des normes Chinoises de la robotique, a-t-il dit.
Cependant, d’après Zhao, le gouvernement n'a pas encore décidé de subventionner ses propres entreprises. «Il faudra probablement encore cinq années de plus pour régler ces détails ».
Néanmoins, le manque de politiques préférentielles vers les entreprises locales peut favoriser les leurs homologues étrangers, les géants de l'industrie qui cherchent à capitaliser sur la frénésie d’automatisation du pays.
En Octobre, Kuka a posé la première pierre d'une nouvelle usine à Shanghai, avec laquelle elle espère répondre à la demande croissante de l'automatisation dans la région.
C’est à ce jour la seule usine en dehors du pays d'origine de Kuka. La production atteindra une capacité annuelle de 3.000 unités dans sa première année et devrait atteindre 5.000 unités d'ici la fin de 2015, selon le PDG qui répondait aux questions de Reuter.
Pendant ce temps, ABB vient de mettre en place sa première plateforme de recherches développement pour sa « Train Control Monitoring System » en Chine, une technique qui est essentielle pour les systèmes de traction et une technologie de base pour les véhicules de transport en commun en milieu urbain.
La société a établi son premier centre mondial de qualité à Shanghai au début de cette année, après avoir déménagé son centre de recherche et développement en robotique depuis son siège de Detroit à Shanghai en 2006.
Gu Chunyuan, chef de ABB Automation Division Motion Control en Asie du Nord et Chine, prédit que de plus en plus d'entreprises vont investir dans la robotique car elles cherchent à réduire les coûts d'exploitation et améliorer la qualité des produits. Ce qui aura pour conséquence une croissance du marché dans les pays des plus développés dans le monde.
Les fabricants veulent aussi utiliser des robots dans d'autres secteurs de l’économie. Le Suisse Staubli Holding AG prévoit de doubler ses ventes cette année, par rapport à 2011, avec des centaines de robots sur le marché chinois.
Jusqu'à présent cette année, l'entreprise a investi 200 millions de yuans dans l'expansion de son usine de fabrication à Hangzhou, province du Zhejiang, pour ses trois divisions: machines textiles, connectique et robotique. Pour l'avenir, il prévoit également de construire une ligne de robots industriels d'assemblage pour sa production.
Craintes pour l'emploi
Cependant, il est à craindre que le boom de l’industrie de la robotique n’entraîne une hausse du chômage. Li Gang, vice-président du secteur de la robotique d'ABB en Chine, a déclaré que les robots sont complémentaires à la main-d'œuvre humaine, car ils sont le plus souvent déployés dans des régions où il y a une pénurie de travailleurs. En outre, certains de ces robots sont spécifiquement conçus pour fonctionner dans des environnements dangereux ou spéciaux où les conditions pourraient présenter un risque pour la santé humaine.
Malgré les perspectives florissantes du secteur, la capacité de robotisation (en robots de fabrication) de la Chine est encore inférieure à celle des pays concurrents, selon les experts.
Le pays dépend encore fortement de robots importés. En 2011, ils ont augmenté de 62% en glissement sur un an à 38.000 unités, les meilleures entreprises étrangères représentant 80% du marché local, selon l'IFR.
En outre, la Chine, avec 21 robots pour 10 000 travailleurs se classe parmi les pays faiblement robotisés dans la hiérarchie mondiale, selon les données IFR. Le chiffre est inférieur à la moitié de la moyenne mondiale de 55 unités pour 10 000 travailleurs, et se situe loin derrière celui de 135 aux États-Unis, de 251 pour l'Allemagne, et de 339 pour le Japon.
En matière de brevets, le Japon détient toutes les premières places pour le contrôle de robot, technologies des capteurs et actionneurs, a dit Zhao Jie, vice-directeur du Laboratoire de la robotique et des systèmes à Harbin Institute of Technology. La Chine, en revanche, n'a guère fait de progrès.
Malgré plus d'une décennie de recherche, les entreprises nationales ne parviennent toujours pas à atteindre les normes internationales dans les techniques critiques, selon à Sun.
« En ce qui concerne les cinq principaux composants du robot - moteurs, roulements, réducteurs, pièces mécaniques et de développement de logiciels - La Chine est encore loin derrière les pays développés et doit compter sur les unités importées», a-t-il dit.
Par exemple, la précision de répétition d'un robot manipulateur, la mesure de la variation de la position réelle d'un robot manipulateur d'un cycle à l'autre, peut être aussi faible que 0,03 millimètre, dit-il. Ce nombre est de 1 mm pour un robot similaire Chinois.
Au moins 30 universités et instituts de recherche en Chine se sont lancés dans les technologies robotiques et environ 60 entreprises fabriquent des robots.
Zhao a exhorté le gouvernement central pour qu’il établisse une stratégie top-down en nommant certaines académies et entreprises pour qu’elles coopèrent afin de faire des percées dans des domaines spécifiques. De cette façon, les chercheurs et industriels seraient plus susceptibles de partager des ressources.
« Si chaque entreprise a son propre ordre du jour, ils ont tendance à protéger leurs propres ressources au lieu de les partager», a déclaré Zhao.
Zhu de l'Université de Zhejiang encourage le gouvernement à créer un organisme indépendant et unifié – une académie de la robotique - au niveau national, car les alliances actuelles en robotique sont réparties dans différentes fédérations qui ne coopèrent pas forcément, ce qui conduit à l'inefficacité.
Cependant, tant que ces problèmes et d'autres ne sont pas abordées, la Chine continuera à être un figurant dans la fabrication de robots. Après des années d’activités, les entreprises étrangères ont réalisé des économies d'échelle avec succès, ce qui a grandement réduit les coûts de production. Ce qui rend difficile l’acquisition d’un avantage concurrentiel en matière de prix pour les acteurs nationaux, selon Zhou.
Mr Sun de Risong reconnait qu'il préfère payer 280.000 yuans pour un robot Kuka ou d'ABB plutôt que de dépenser 250.000 pour un robot chinois. «La différence de prix n'est pas aussi important que l'écart entre les technologies. Si vous payez 30.000 yuans supplémentaires, vous arrivez à acquérir des technologies qui ne seront disponibles que dans 30 années à venir en Chine. C'est un choix facile à faire. »
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