Je me permets de
reproduire avec son autorisation un article de Paul Jorion car il traduit le
fond de ma pensée. La Chine a l’immense avantage de disposer de liquidités
conséquentes (pour ne pas dire plus), luxe que nous européens n’avons pas. En même
temps la Chine selon moi à l’intelligence de réagir rapidement et avec force
pour faire face à une crise sans précédent dont nous ne percevons que les prémisses.
Alors que les états européens agissent de façon dispersés avec des plans de
soutien ridicules (eu égard l’ampleur des problèmes à venir) et en se demandant
si il faut parler de récession ou non (je pense à notre premier ministre), la
Chine a fort bien compris les enjeux de cette crise.
- Sa première
préoccupation c’est d’éviter la crise sociale et sa conséquence qu’est la
menace de l’intégralité de la Chine en tant que Nation. Pour cela il faut
maintenir à tout prix une croissance au dessus de 8% du PIB. Taux qui permet « d’occuper »
les nouveaux venus sur le marché du travail. Dans une note précédente j’ai parlé
également d’une réforme agraire qui encourage les migrants à retourner à la
culture de leur champ car ils pourront en être propriétaire.
- La seconde c’est le développement du tissu industriel chinois. La crise fera disparaître les entreprises les moins bien gérées. Celles qui survivront se concentreront et le gouvernement leur apportera les aides nécessaires à leur croissance. Certains secteurs seront privilégiés (aéronautique, militaire, « hightech », « greentech » pour ce que je peux en voir).
- La troisième c'est de prendre à bras le corps son plus grand fléau: la corruption endémique qui règne à tous les échelons de l'administration. La tâche ne sera pas aisée et pour l'instant je ne vois que des actions isolées. Mais le gouvernement central est conscient de la menace que la corruption fait peser sur la stabilité du pays et qui se traduit par des manifestations de plus en plus fréquentes de la population excédée par les agissements de la classe dirigeante.
- Enfin à plus long terme c’est préparer la Chine à l’après crise (nul ne peut dire aujourd’hui si nous parlons de 2010 ou 2011 ou…) mais une chose est sûre la Chine sera là pour en profiter pleinement. Peut-on nous Européens en dire autant ?
Reproduction de l'article de Paul Jorion:
Dans un monde où
les États-Unis risquent de perdre leur leadership sur le plan technologique, la
Chine a encore besoin de la locomotive que constitue la consommation des
ménages américains. Un jour cependant, le marché indien ainsi que son propre
marché intérieur, suffiront amplement à ses ambitions. Elle pourra alors se
désintéresser des États-Unis. Son retrait du marché de la dette américaine, où
son intervention massive aujourd’hui contribue à maintenir des taux d’intérêt
artificiellement bas, précipitera encore davantage la crise déjà amorcée aux
États-Unis.
Les choses ne se
sont pas passés ainsi : avec l’éclatement de la bulle de l’immobilier, les
ménages américains ont vu se tarir la corne d’abondance que constituait la
valeur captive dans les murs de leur logement et qui leur permettait d’acheter
jusqu’à plus soif des produits de consommation manufacturés en Chine. Du coup,
celle-ci est obligée de se tourner vers son marché intérieur beaucoup plus tôt
que prévu. Elle l’a apparemment bien compris et alors que l’on attend du
nouveau président américain qu’il lance, à l’instar de Franklin D. Roosevelt en
1933, un New Deal, un programme planifié de relance de l’économie, axé sur le
plein emploi et une politique de grands travaux, c’est de Chine que vient
aujourd’hui l’annonce d’un New Deal.
La croissance en
Chine a été de 9 % durant le troisième trimestre 2008, soit 27 % de la
croissance mondiale, significativement moins cependant que les 12 % de 2007,
mais beaucoup plus que les 0,8 % des États-Unis ou les 1,4 % de l’Union
Européenne. Mais la Chine estime que pour atteindre son objectif d’une
amélioration globale de la situation de la population chinoise il lui faut
maintenir un minimum de 8 % de croissance. Elle a donc décidé de lancer, bien
avant le reste du monde, son propre New Deal en y consacrant d’ici à 2010 un
budget de 4 000 milliards de yuan, soit 454 milliards d’euros ou 586 milliards
de dollars. Une telle somme équivaut à 16 % de son PIB en 2007.
Ce budget sera
consacré à la construction de HLM, à la rénovation de l’infrastructure routière
et ferroviaire, à une aide à l’agriculture, à l’irrigation et à l’achat de
graine en particulier, à un programme de santé et de pensions et à des prêts
aux PME. Les taxes sur l’achat de machines-outils et d’équipement industriel en
général seront également réduites.
Il était prévu
avant l’annonce de ce plan que le PIB de la Chine pour 2009 serait de 7,5 %. Le
nouveau programme bonifiera ce chiffre de 2 % pour atteindre 9,5 %, au-dessus
donc des 8 % jugés souhaitables pour la bonne santé du pays par ses dirigeants.
C’est à l’aune de ce New Deal à la chinoise que celui de Mr. Obama sera
désormais jaugé.
Rappel essentiel
bien sûr pour toute discussion portant sur des chiffres de croissance :
selon le principe qui veut que « faire et défaire, c’est toujours
travailler », ces chiffres combinent destruction de l’environnement et
efforts encore beaucoup trop maigres de le restaurer. C’est à nous de rappeler
sans cesse à nos dirigeants que toute croissance doit viser désormais
l’atteinte d’un état stable pour notre planète à un niveau de pollution réduit
par rapport à ce qu’il est aujourd’hui.
Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans
le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix.
Il a publié récemment La
crise. Des subprimes au séisme financier planétaire L’implosion.
La finance contre l’économie (Fayard : 2008) et Vers
la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
* Un
« article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie
à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un
« journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits
d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le
fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
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