Comme promis voici une note sur le trading haute fréquence - une sorte d'épilogue pour conclure la série de notes sur Goldman. L’histoire commence comme un roman d’espionnage avec l'arrestation
en Juillet d'un ancien employé de Goldman Sachs accusé d’avoir dérobé à son
entreprise les codes de logiciels de trading ultrasecrets propulsant ainsi sous
les projecteurs un monde très discret, celui du trading haute fréquence (THF)
[1].
Les traders de cette spécialité sont des fournisseurs de liquidité comptant pour environ 50% du volume des opérations sur la Bourse de New York et ils prétendent avoir réduit les écarts entre acheteurs et vendeurs (ce qu’on appelle aussi le spread). Mais de nombreuses personnes critiquent cette pratique et n’hésitent pas à parler d’escroquerie tout simplement.
Le principe du THF consiste à utiliser des algorithmes sophistiqués et des ordinateurs ultra-rapides pour détecter et exploiter les micromouvements du marché – l’échelle de temps ici est de l’ordre de la dizaine de millisecondes.
Une autre stratégie consiste à collecter les offres de rabais proposées aux fournisseurs de liquidité. Les traders Haute Fréquence surenchérissent immédiatement avant la vente des actions en offrant à l'investisseur un prix d'achat légèrement plus élevé, collectant ainsi un rabais d’un quart de cent à l’achat et à la vente.
La fréquence des passages d’ordres est ahurissante, on parle de 1000 exécutions de transaction par seconde, une transaction pouvant être réalisée en moins de 500 microsecondes (ou millionièmes de seconde) et est gagnante à tous les coups!
Mais il y un autre problème encore plus gênant, les entreprises pratiquant le trading à haute fréquence représentent environ 2% des 20.000 entreprises opérant sur les marchés américains aujourd'hui, mais elles comptent pour 73% de l'ensemble volumes échangées sur ces mêmes marchés [4].
Ces entreprises comprennent pour un petit nombre de grandes banques d'investissement – Goldman Sachs figure en bonne place bien entendu - et moins de 100 des plus sophistiqués « hedge funds » et quelques centaines d’entreprises très soucieuses de conserver leur anonymat qui fonctionnent avec pour unique doctrine : faire des profits en étant plus intelligent et plus rapide que la compétition.
En fait le groupe TABB [5] estime que le montant annuel des bénéfices des stratégies d'arbitrage à haute fréquence dépasse 21 milliards de dollars, répartis entre quelques centaines de sociétés. L'estimation de $ 21 milliards est dans la fourchette de FIXProtocol (http://www.fixprotocol.org/) qui estime à $ 15 - $ 25 milliards les gains générés par le THF.
L’asymétrie de l'information n'est pas une nouveauté. Même ses détracteurs reconnaissent que la plupart des THF sont des opérations parfaitement légales, il est également évident que la compétition est biaisée et on peut même parler de spoliation dans le cas des ordres flash.
L'influent sénateur démocrate Charles Schumer a pris la tête de la fronde contre le trading à haute fréquence qu'il accuse de créer un système à deux vitesses entre investisseurs institutionnels dotés des outils nécessaires à son application et les petits porteurs.
Il a expressément demandé à la SEC, d'interdire purement et simplement la technique, menaçant de déposer une loi sur la question faute d'action des régulateurs.
Face à la pression montante, la Bourse électronique Nasdaq a annoncé jeudi qu'elle allait suspendre « volontairement » ce type de transactions à partir du 1er septembre, suivie quelques minutes plus tard par le BATS Exchange, troisième opérateur aux Etats-Unis.
Il y a de fortes chances que les ordres flash soient sacrifiés pour préserver l’essentiel de l’activité de trading haute fréquence – mais je ne pense pas un seul instant que ce type de trading ne soit remis en cause !
[1] http://www.nytimes.com/2009/07/24/business/24trading.html
[2] Electronic Communication Network : Aux Etats Unis, n’importe qui peut négocier des titres en dehors des marchés boursiers institutionnels comme le Nasdaq. Cela se déroule de manière électronique via des réseaux spécialisés plus connus sous le nom d’ECN (Electronic Communication Networks). Aujourd’hui, plus de 20% du volume total des valeurs négociées au NYSE et au Nasdaq se déroule en dehors des marchés officiels.
INSTINET est peut-être l’un des ECN les plus connus parmi ceux en fonctionnement. Les échanges effectués sur ces réseaux sont réservés pour la plupart à leurs membres pendant et après les heures d’ouverture des marchés officiels (NYSE, Nasdaq). Tout se déroule de manière électronique, il n’y a pas d’échange physique. Tout se déroule de manière directe, dans ce sens qu’il n’y a pas d’intermédiaire (le ’Specialist’ du NYSE ou le Market Maker littéralement ’Teneurs de Marché’ du Nasdaq). Il s’agit d’un échange de personne à personne, l’un vend, l’autre achète. Ce mode de fonctionnement est efficace et économique non pas parce qu’il n’y a pas d’intermédiaire à rémunérer, mais parce qu’il n’y a pas d’intermédiaire. Autrement dit il y a bien moins de liquidités que sur les marchés traditionnels du fait de cette absence d’intermédiaire. Les ECN sont idéals pour les échanges de gros volumes de titres ou les investisseurs désireux d’une exécution optimale de leurs ordres c’est à dire avec un minimum de variation dans les prix négociés comme c’est le cas habituellement. Les commissions avoisinent en règle générale $1 par groupe de 100 actions.
La SEC (l’équivalent de notre COB) a depuis quelques temps reconnu officiellement ces systèmes d’échanges privés hors-marché. En 1997 les ECNs ont été intégrés au Nasdaq quand ce dernier à intégré les "Règles de Gestion des Ordres" édictées par la SEC (SEC’s Order Handling Rules). Autrement dit tout ca est légal et reconnu par les institutions officielles. Par exemple le broker Datek avec l’ECN Island est l’un des réseaux reconnu officiellement par la SEC.
De tels systèmes informatisés sont conçus pour garantir l’anonymat total ; ni l’acheteur, ni le vendeur ou le opérateur du système informatique ne connaissent l’identité des intervenants jusqu’à ce qu’ils aient été mis en contact.
[3] BATS a été créé en tant que système multilatéral de négociation (SMN), c'est-à-dire un marché boursier alternatif, organisant la confrontation entre acheteurs et vendeurs de titres.
Initié par la société américaine BATS Holdings Inc., BATS a été lancé aux Etats-Unis en janvier 2006 et en Europe le 31 octobre 2008.
En Octobre 2008, BATS Trading Inc est passé d’un statut règlementaire d’ECN (Electronic Communication Network) à celui de marché boursier. Depuis cette date, BATS s’est positionné comme la troisième Bourse mondiale en termes de valeur des actions échangées derrière le New York Stock Exchange et le Nasdaq.
Le Système multilatéral de négociation (SMN) est un système exploité par un prestataire de services d'investissement ou un opérateur de marché. Sans avoir la qualité de marché réglementé, un SMN assure la rencontre, en son sein et selon des règles définies, des transactions (achats et ventes) sur des instruments financiers.
[6]
http://market-ticker.denninger.net/archives/1259-High-Frequency-Trading-Is-A-Scam.html
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