La démographie est rarement convoquée par nos chers économistes pour bâtir des scénarios économiques. Et pourtant les données démographiques sont bien les seules à fournir des informations fiables qui auront une influence indéniable sur le budget d’un état à un horizon déterminé. L’exemple classique des « baby boomers » (la génération qui est née après la seconde guerre mondiale) vous indique clairement que les dépenses de santé vont prendre à partir de 2015, c’est-à-dire demain, une part de plus en plus importante dans les dépenses d’un état – et cela alors que les recettes dudit état seront-elles en bernes.
Maintenant si vous croisez ces données démographiques avec des habitudes comportementales, identifiables à une tranche d’âges bien définie, vous pouvez réaliser des prédictions économiques à moyen/long-terme intéressante.
Il faut aller aux Etats-Unis pour trouver des recherches passionnantes sur le sujet. Ce n’est pas étonnant quand on sait que les Etats-Unis est le pays qui a inventé le comportementalisme, les sciences cognitives et le Marketing. En effet les habitudes comportementales sont très formatées (conformisme) et à un moment de votre vie donnée vous êtes censé avoir réalisé un certain nombre de choses (se marier, acheter une maison, avoir des enfants…).
On pourrait multiplier les exemples mais ce n’est pas le propos ici. Je veux juste dire que cette démarche fonctionne quand la « société » d’une façon ou d’une autre transmet aux individus qui la composent, une façon de se comporter très codifiée et que ces derniers dans la majorité s’y tiennent.
Harry Dent l’a très bien compris car le fondement de ses recherches est la nature prévisible des dépenses de consommation, basée sur le modèle d'évolution d'une famille américaine ordinaire : des dépenses minimes de la part des jeunes adultes, l'augmentation de celles-ci avec l'éducation des enfants, atteignant leur maximum lorsque leurs enfants quittent la maison, puis les dépenses diminuent au cours des quinze dernières années de la vie professionnelle (entre 48 et 63 ans), avec une épargne croissante, en préparation à la retraite. Puis lors de la retraite, le couple ne dépense que le nécessaire à partir de la pension qu’il reçoit. C’est à ce moment, après 60 ans que le fond de pension doit payer une rente au retraité. C’est parfaitement représenté par le dessin que vous trouvez-ci-dessous :
A partir de ce constat, Harry Dent construit une courbe de dépense pour une tranche d’âges bien définie. Celle qui attire toutes les attentions est la génération qui est née après la seconde guerre mondiale, la plus importante par le nombre et qui entre progressivement dans la dernière étape du cycle d’Harry Dent : la retraite.
La vague des dépenses
La vague des dépenses illustre l'étroite corrélation qui existe entre l'indice de naissance, décalé vers l'avant 46,5 années, et le Dow ajusté de l'inflation. Comme on peut le voir sur la figure ci-dessous, la vague de dépenses permet de prédire quand le marché boursier va être haussier ou baissier près de cinq décennies à l'avance.
Les 4 saisons du cycle économique
Harry Dent recherche des « patterns » qui se répètent, afin de pouvoir identifier des cycles plus ou moins longs.
De son observation du capitalisme américain du 20ième Siècle, il a identifié un cycle de 80 ans, lui-même composé de 4 périodes ou saisons.
La première saison, celle qui favorise l'inflation et de l'Innovation s'est produite à peu près entre 1968 et 1982. Durant cette période, les baby-boomers sont entrés dans la population active et ont apporté des changements révolutionnaires en matière de technologies, produits et pratiques commerciales. Ces innovations coûteuses ont été financées par des capitaux faibles en volume, ce qui conduit à des taux d'inflation les plus élevés de l'histoire.
La saison qui suit celle de l'inflation et de l'innovation est celle de la croissance, qui se divise en deux phases distinctes. La première phase qui s'est produite de 1982 à 1998 a permis à la plupart des baby-boomers d’acheter leur première maison pour accueillir leur famille. Les niveaux d'endettement et les dépenses de consommation ont augmenté tandis que le taux d'inflation lui a chuté. Beaucoup de produits issues des technologies innovantes introduites dans la période précédente sont devenus des produits de consommation courante dans l'économie en plein essor.
La deuxième phase de cette saison s'est poursuivie jusqu'à la fin de 2007. Ce que nous avons vu entre 1998 et 2007 étaient les caractéristiques prévisibles d'une économie en plein essor. L'introduction de nouveaux modèles économiques ont accéléré l’acceptation et l’utilisation des nouvelles technologies dans l’industrie, la productivité a augmenté, l'inflation a été maintenue à de très faibles niveaux et les niveaux d'endettement des consommateurs a débuté son déclin.
La saison prochaine, celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement est une secousse déflationniste – c’est l'ère de dépression. Dans le dernier cycle de 80 ans, cela s'est produit de 1930 à 1942. Au cours de cette secousse déflationniste, on assiste à une chute des investissements dans les moyens de production et de la demande de main-d'œuvre par rapport à la saison précédente lorsque les entreprises se trouvaient dans une course au leadership au plus fort de la croissance. C'est le pire moment pour les employés et pour la plupart des investisseurs.
La saison suivante, celle de la maturité, se divise en deux phases distinctes. Au cours de la première phase, qui débutera vers 2023, la génération des conformistes qui suit celle des baby-boomers entrera dans son cycle de dépenses. Dans le dernier cycle de 80 ans, la première phase de la saison de la maturité a eu lieu de 1942 à 1958. Cette saison, stimule l'économie et voit une croissance stable par les entreprises qui ont survécu à la débâcle. Les industries novatrices de la génération précédente prennent leur essor et occupe un marché en pleine croissance.
Dans la deuxième phase de la saison de la maturité, qui débutera à la fin 2030 et durera jusqu'à la fin des années 2040, la génération conformiste sera à son sommet. Une nouvelle génération d'innovateurs se profile et va progressivement entrer sur le marché du travail, ce qui nous conduit directement dans la prochaine saison de l'inflation et de l'innovation. Le cycle est terminé, et recommence.
Les prédictions d’Harry Dent
Dans les années 1980, Harry Dent prédit que l'économie japonaise, alors au sommet de sa puissance, allait bientôt entrer dans un ralentissement qui va durer plus d'une décennie. Dans les années 1990, il a prédit que l'indice Dow Jones atteindrait 10 000 points. Ces deux prédictions ont été accueillies avec beaucoup de scepticisme, et pourtant toutes deux ont fini par se réaliser.
Au Japon, Harry Dent utilise le pic de population de 45 à 50 ans (entre 1990 et 1994), pour prévoir le début d'un long ralentissement.
Aux États-Unis, il utilise, et continue d'utiliser, l'année du pic pour les 48 ans, en 2009, comme le sommet d'un modèle de croissance à long terme.
En 2000, sur la base de ses prévisions, selon lesquelles la croissance économique se poursuivra tout au long des années 2000, Harry Dent prédit que l'indice Dow Jones atteindrait 40 000 points, une prédiction qu'il répète dans son livre de 2004. Il prédit aussi que l'indice NASDAQ atteindrait 13 000 à 20 000 points. Il était extrêmement optimiste, c’est le moins que l’on puisse dire mais il avait anticipé le boom immobilier que les Etats-Unis ont connu sur cette période.
Fin 2005, il révise ses prévisions à des niveaux beaucoup plus faibles, estimant que l'indice Dow Jones atteindrait 16 000 à 18 000 points et l'indice NASDAQ 3 000 à 4 000 points. En janvier 2006, il annonce que l'indice Dow Jones atteindra 14 000 à 15 000 points d'ici la fin de l'année. L'indice Dow Jones, après avoir franchi la barre des 14 000 points, vers la fin de 2007, n'a cessé de décroître.
Dans son dernier livre (The Great crash ahead : strategies for a world turned upside down) Harry Dent prédit, toujours sur la base de sa théorie, une profonde dépression/déflation tout simplement parce que son modèle lui indique qu’une immense partie de la population américaine, les « baby boomers » à l’automne de leur vie, vont non seulement être moins dépensier mais également retirer de l’argent du système financier via les fonds de pension (qui devront payer les retraites) mais également solliciter davantage le « Medicare ».
Les actions de la FED (QE1, QE2 et maintenant QE3) qui ne sont faites que pour stabiliser le système financier et délester les banques de leurs actifs toxiques – le « quantitative easing » n’a JAMAIS relancé aucune économie dans le monde et donc créer des emplois – ne pourront pas résister bien longtemps aux forces démographiques à l’œuvre.
Dans une prochaine note, je vous parlerais de la démographie en Chine.
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