Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de vous parler de la finance américaine et plus particulièrement de son fleuron : Goldman Sachs.
Aux Etats-Unis vous avez une presse financière institutionnelle avec ses stars de la télé, valets du pouvoir qui colportent la bonne parole avec un enthousiasme à toute épreuve, CNBC en est une caricature, mais aussi des analystes universitaires ceux là, qui ont encore un avis et le donne parfois avec toutes les nuances nécessaires.
Et puis vous avez une autre presse financière non institutionnelle celle-là. Elle possède ses stars et ses francs-tireurs. Son mérite est de mettre le doigt là où ça fait mal comme le dit l’adage. De réfléchir et d’interroger les chiffres et les statistiques plutôt que de les prendre pour argent comptant.
Son dernier article a fait grand bruit dans la blogosphère US
J’ai traduit cet article en Français, et vraiment lisez le car il est édifiant à plus d’un titre ! Tout d’abord c’est un voyage dans la finance américaine depuis les années 20 jusqu’à aujourd’hui, ensuite vous constaterez que les mêmes errances sont commises encore et encore – ce sont juste les outils qui changent et l’effet démultiplicateur de la mondialisation des échanges, et enfin Matt Taibbi vous dit de quoi sera constitué la prochaine bulle – et a priori il ne doit pas être très loin de la vérité d’après ce que je peux lire ailleurs.
Je me suis permis d’ajouter quelques compléments d’informations qui seront précédés par le libellé NdT (Note du Traducteur).
Enfin vu la taille de l’article et le manque de temps je le publierais en 3 parties.
Je vous souhaite une bonne et enrichissante lecture !
Goldman Sachs : La grande machine américaine à fabriquer des bulles
"THE GREAT AMERICAN BUBBLE MACHINE" Par MATT TAIBBI
ROLLING STONE MAGAZINE. 9-23 JUILLET 2009
Une version PDF de l'article original (en Anglais) est disponible ici ou bien encore la.
« Des actions internet à la hausse du pétrole, Goldman Sachs a organisé toutes les grandes manipulations des marchés depuis la Grande Dépression et s’apprête à recommencer, » écrit Matt Taibbi dans le magazine Rolling Stone. Cette banque qui symbolise à elle-seule l’emprise de Wall Street sur la société et la vie politique américaine est une gigantesque machine extrêmement sophistiquée, dit-il, qui a largement concouru à diriger la richesse utile accumulée par la société vers une série de bulles spéculatives dont elle a favorisé l’apparition et qui ont provoqué la ruine de millions de foyers américains, au seul profit de quelques investisseurs fortunés.
La première chose que vous devez savoir sur Goldman Sachs, c'est qu'il est partout. Le monde de la banque d'investissement le plus puissant est une pieuvre vampire enroulée autour de toutes les faces de l'humanité, et sans relâche va poser ses ventouses sur tout ce qui sent l'argent. En fait, l'histoire de la récente crise financière, qui se double d'une histoire de la chute de l’empire américain qui s’accélère avec le montage d’escroqueries de plus en plus gigantesques, se lit comme un Who's Who des diplômés de Goldman Sachs.
Aujourd’hui, la plupart d'entre nous connaissent les principaux acteurs de ce drame. Henry Paulson le dernier secrétaire du Trésor de George Bush, mais aussi ancien PDG de Goldman, a été l'architecte du plan de sauvetage, 700 milliards de dollars du contribuable américain, pour sauver ses petits camarades de Wall Street. Robert Rubin, ancien secrétaire du Trésor de Bill Clinton et qui a passé 26 ans chez Goldman, avant de devenir président de Citi-group - qui, à son tour, a reçu $ 300 milliards du plan de sauvetage Paulson. Il y a aussi John Thain, PDG de Merrill Lynch, qui a acheté pour 87000 $ de tapis pour son bureau alors que la banque dont il était responsable était au bord de l'implosion, un ancien banquier de Goldman lui aussi. Thain a reçu plusieurs milliards de dollars du plan Paulson, qu’il a utilisé pour aider Bank Of America. Et, Robert Steel, l'ancien PDG de Wachovia, ancien de Goldman aussi, qui s’est octroyé un parachute de 225 millions de dollars alors que sa banque sombrait. Il y a Joshua Bolten, Directeur de Cabinet de Bush, et Mark Patterson, Directeur de cabinet du Trésor, qui était un lobbyiste de Goldman il y a tout juste un an, et Ed Liddy, ancien directeur de Goldman a qui Paulson confia la charge de sauver le géant des assurances AIG. Une fois Ed Liddy en charge, Goldman recevra plus de $ 13 milliards d’AIG. Les directeurs des banques nationales du Canada et d’Italie sont des anciens de Goldman, tout comme le PDG de la Banque mondiale, le PDG du New York Stock Exchange. Les deux derniers directeurs de la Banque fédérale de New York - qui, incidemment, sont désormais chargé de superviser Goldman …
Mais enfin toute tentative de détailler le réseau d’influence de Goldman devient rapidement un exercice inutile et absurde, c’est comme essayer de faire une liste de tout. Ce que vous devez savoir c’est que: si l'Amérique est une économie qui siphonne l’argent, alors Goldman Sachs a trouvé la façon d'être le siphon – lacune extrêmement regrettable dans un système démocratique occidental capitalistique, qui n'a jamais prévu que, dans une société régie passivement par des marchés « autorégulés », la cupidité organisée défait toujours une démocratie désorganisée.
La banque qui a atteint une puissance sans précédent, a transformé l'ensemble de l'Amérique en une gigantesque arnaque boursière, manipulant l'ensemble des secteurs économiques des années durant, pipant les dés pour que tel ou tel marché s'effondre, et tout le temps se gavant en faisant des coups qui passaient inaperçus mais qui ont ruiné des familles partout dans le monde - les prix élevés de l'essence, la hausse des taux de crédit des consommateurs, les licenciements massifs, impôts futurs pour payer les plans de sauvetage. Tout l'argent que vous avez perdu, il va quelque part, et dans les deux sens littéral et figuré, l'endroit où il va c’est Goldman Sachs. La banque est un énorme et très sophistiqué moteur de conversion de richesse utile produite par la société en ce qu’il y a de plus inutile, de plus inefficace et immonde sur Terre – du pur profit pour une minorité de riches.
Goldman y parvient en utilisant la même recette encore et encore. La formule est relativement simple: Goldman se positionne au milieu d'une bulle spéculative, en vendant des placements qu'il sait « pourris ». Ensuite, il aspire des vastes sommes d’argents de la classe moyenne et des classes inférieurs de la société avec la complaisance d'un état paralysé et corrompu qui lui permet de réécrire les règles en échange de confortables sommes versées pour soutenir les diverses campagnes électorales. Enfin, quand la bulle explose, laissant des millions de citoyens ordinaires ruinés et affamés, il recommence à nouveau le processus, la cavalerie qui va tous nous sauver en nous faisant des prêts avec notre propre argent avec des taux d’intérêts élevés, se vendant lui-même comme entreprise composée d’hommes intègres au-dessus de tout soupçon, des gars honnêtes et très intelligents qui sont là pour graisser les rouages de la machine. Goldman a joué à ce jeu depuis les années 1920 - et maintenant, il se prépare à le faire de nouveau, se préparant à créer la plus grande et la plus audacieuse bulle de tous les temps.
Si vous voulez comprendre comment nous en sommes arrivés à cette crise financière, vous devez d'abord comprendre où l’argent est parti - et pour cela, vous avez besoin de comprendre ce que Goldman a déjà fait disparaître. Il s'agit d'une histoire de cinq bulles - y compris l’étrange et inexplicable hausse du prix du pétrole. Il y eu beaucoup de perdants dans chacune de ces bulles, et dans le sauvetage qui a suivi pour restaurer le capitalisme triomphant. Mais Goldman n'était pas l'un d'eux.
BULLE # 1 :La grande dépression
Ils ont été des pionniers dans l'utilisation des Billets de Trésorerie (ndt : aussi appeler papier commercial). Ils revendaient des titres de créance court-terme à des vendeurs à la sauvette dans le centre de Manhattan. .
Vous pouvez probablement deviner de quoi était fait le quotidien Goldman durant les 100 premières années de son existence: du courage, une banque d’investissement créée par des immigrants qui ont de la chance, se hisser parmi les meilleurs grâce à son travail, gagner beaucoup d'argent. Dans cette veille histoire, il y a vraiment un seul épisode qui mérite, à la lumière des récents événements, qu’on s’y attarde: la désastreuse incursion de Goldman dans la folie spéculative qui a précédée le crash de Wall Street à la fin des années 1920.
Ce grand « Hindenburg » (ndt : le plus grand dirigeable jamais construit qui s’enflamma à son arrivée à l’aéroport de Lakehurst lors de son premier (et dernier!) voyage en 1937). de l'histoire financière a quelques caractéristiques qui peuvent nous paraître familier. A cette époque, le principal instrument financier servant à escroquer les investisseurs était appelé une «fiducie» (NdT traduction pour « investment fund »). Semblable à des fonds communs de placement d’aujourd’hui, les fiducies prenaient l'argent des investisseurs, petits et grands, et (théoriquement au moins) l’investissaient dans un assortiment de titres de Wall Street - bien souvent les titres et les montants étaient cachées du public.
Goldman est rentré dans ce jeu un peu tard, mais comprenant les immenses bénéfices qu’il pouvait en tirer, il a sauté frénétiquement dans l’arène pour littéralement se goinfrer. Cela c’est d’abord manifester par la création de la Goldman Sachs Trading
Le résultat final (demandez-vous si cela vous semble familier) est une chaîne d’argents empruntés, délicieusement vulnérables à une baisse de performance d’un des éléments le long de la chaine. L'idée
Dans un chapitre du Grand crack de 1929, intitulé "En Goldman Sachs Nous faisons confiance", le célèbre économiste Kenneth Galbraith a pris les fonds Blue Ridge et Shenandoah comme des exemples classiques de la folie des investissements à effet de levier. Les fiducies, écrit-il, ont été l'une des principales causes du crack historique du marché, en dollars d'aujourd'hui, les pertes subies par la banque s'élèvaient à $ 475 milliards de dollars. "Il est difficile de ne pas s'émerveiller devant l'imagination qui sous tend cette gigantesque folie", observe Galbraith.
Ndt : je ne peux que vous conseiller un autre livre sur cette période : « Mémoires d’un spéculateur » de Edwin Lefèvre – traduction de « Reminiscence of a stock operator » - tout ce que vous voulez savoir sur les arnaques de la bourse sans jamais oser le demander.
Ndt : Je me permets d’ajouter un complément d’information concernant la période 1960-1970 qui s’est concrétisé non pas par une bulle mais par un nouveau scandale pour Goldman.
Entre 1929 et la fin de la Deuxième Guerre, l’établissement n’enregistrera que huit exercices bénéficiaires. Weinberg, qui débutera comme trader sur le marché de gré à gré, sera choisi par Roosevelt pour organiser la liaison entre l’industrie et l’Etat lors du New Deal. Il sera le seul banquier d’investissement de l’équipe. Et le seul à voter Roosevelt à Wall Street, ajoute Richard Ellis. Assistant du président de la production de guerre depuis 1942, il aura la chance de sélectionner les meilleurs talents et de se faire un portefeuille d’amis fort utiles pour l’après-guerre. Le réseau de Weinberg lui permet de gagner le mandat de la plus grande introduction en bourse de l’histoire, celle de Ford. L’opération salue l’entrée de GS parmi les géants de la finance. Elle se prolonge avec des émissions obligataires record. Weinberg, membre de 44 conseils d’administration, innove également et se lance dans le conseil en fusions. Il accompagne la création de Warner Lamberg.
Les années 1960 et 1970 appartiennent à Gustave Levy, entré dans la banque en 1933. C’est lui qui imposera la culture de la société, l’esprit d’équipe, la performance individuelle, un système de rémunération orienté sur le long terme. Bourreau de travail qui se lève 5 heures, il est au bureau à 7 heures, comme tous les employés, alors que la norme est plutôt à 9 heures à Wall Street. Administrateur de 31 sociétés, PDG de l’Hôpital du Mount Sinai, il sera aussi le premier président juif de la bourse de New York.
La deuxième grande crise de GS naît d’une activité traditionnelle, le papier commercial. En 1970, la banque sera frappée par la plus grande faillite industrielle de l’histoire américaine, celle des chemins de fer Penn Central, 18e plus grande entreprise du pays et numéro un de l’immobilier. La Fed devra intervenir pour assurer la liquidité sur le marché du papier commercial. L’histoire semble se répéter. Les investisseurs portent plainte contre l’émetteur et exigent davantage que les fonds propres de la banque. Car GS n’a pas informé les investisseurs correctement. La banque perd devant les tribunaux et versera 30 millions. Mais l’accident aurait pu lui coûter bien plus cher.
Goldman non seulement a survécu à l'accident qui anéanti bon nombre d'investisseurs qu’il a trompés, mais il est devenu le principal introducteur en bourse du pays, figurant ainsi parmi les plus riches et les plus puissantes entreprises du pays. Grâce à Sidney Weinberg, Goldman est devenu le pionnier de l’introduction en bourse (ndt IPO), l'un des principaux et plus lucratifs moyens par lesquels les entreprises financières collectent des fonds. Au cours des années 1970 et 1980, Goldman n'était pas encore l’étoile noire qui dévore la planète grâce à son influence politique, mais plutôt l'une des plus talentueuses banques du pays qui avait la réputation d'attirer les professionnels les plus brillants dans leur domaine.
Encore plus curieusement, Goldman avait la réputation d’avoir une éthique relativement solide et une approche patiente de l’investissement s’interdisant tout profit rapide, ses dirigeants ont été formés pour adopter le credo de l’entreprise, « avidité à long terme ». Un ancien banquier de Goldman qui a quitté l'entreprise au début des années 90 se rappelle avoir vu ses supérieurs abandonner une affaire très rentable au motif qu’elle serait perdante à long terme. « Nous avons remboursé les entreprises qui ont fait de mauvaises affaires avec nous », dit-il. «Tout ce que nous avons fait était légal et juste mais la firme – avidité à long terme - a dit que nous ne voulions pas faire de profit au dépend de nos clients et qui de plus pourrait embarrasser le marché».
Mais alors, comment expliquer ce changement? Il est difficile de dire exactement quoi, peut être le fait que le co-président de Goldman, au début des années quatre vingt dix, Robert Rubin, suivit Bill Clinton à la Maison Blanche
Rubin était le prototype du banquier Goldman. Il est probablement né dans une suite à 4000 $, il a un visage qui semble figé en permanence, aucune émotion ne se manifeste, peut être pour s’excuser d’être tellement plus intelligent que vous. C’est devenu presque un cliché national de dire que tout ce que pense Rubin était ce qu’il y avait de mieux pour l'économie - un phénomène qui atteint son apogée en 1999, lorsque Rubin est apparu sur la couverture du Time avec son adjoint du Trésor, Larry Summers (ndt aujourd’hui il est le principal conseiller économique de Obama), et le chef de la Fed, Alan Greenspan, sous le titre LE COMITE POUR SAUVER LE MONDE. Et « ce que Rubin pense » la plupart du temps, est que l'économie américaine, et en particulier les marchés financiers, ont été sur-réglementés et il faut plus de liberté. Au cours de son mandat au Trésor, l’administration Clinton a pris une série de décisions qui auront des conséquences dramatiques pour l'économie mondiale (NdT selon moi la pire fut l’abrogation de loi Glass-Steagall qui séparait les activités des banques d’affaires des banques commerciales.
Cette loi fut mise en place par le Président Franklin Roosevelt en 1933 pour éviter qu’une crise comme celle de 1929 ne se reproduise à nouveau ! Je pourrais dire que Roosevelt a enfermé les fauves, Clinton les a libérés et Bush les a nourris. Quand à Obama c’est encore pire, lui il les maintient en vie le temps que les pâturages deviennent plus verts.) – à commencer par Rubin qui renonce à réglementer son ancienne entreprise au cours de sa première course folle et obscène de profits à court terme.
La base de l'escroquerie de l'ère de l'Internet est assez facile à saisir, même pour les personnes qui ne comprennent pas grand-chose à la finance. Les entreprises qui ne sont pas beaucoup plus que des idées griffonnées sur des serviettes de table sont introduites en bourse, encensées par les médias, puis elles sont vendues au public pour des millions. C'était comme si des banques comme Goldman mettaient des beaux rubans d'emballage autour d’une pastèque, la lâche du 50 ième étage et en même temps elle téléphone à ses intermédiaires pour trouver des acheteurs. Dans ce jeu vous êtes un gagnant que si vous avez pris votre argent avant que la pastèque ne finisse par se fracasser sur le sol.
Il semble évident que l'investisseur de la rue ne savait pas que les banques avaient changées les règles du jeu, rendant ainsi les « affaires » bien plus séduisantes que ce qu'elles étaient en réalité. Ils ont mis en place, un double système d'investissement - un pour les initiés qui connaissaient les nombres réels, et un autre pour l’investisseur profane qui a été invité à nourrir la montée en flèche des prix que les banques elles-mêmes savaient irrationnel.
« Depuis la grande dépression, Wall Street a mis en place des directives strictes auxquelles devaient se soumettre les entreprises qui voulaient être introduites sur le marché », dit un éminent gestionnaire de fonds. « L'entreprise doit exister depuis cinq ans au minimum, et afficher une rentabilité sur trois années consécutives. Mais Wall Street n’en a eu cure et jeta ses principes à la poubelle. » Goldman a achevé le travail en le poussant jusqu'à la parodie: « Les analystes étaient dans la rue en disant à qui voulait l’entendre d’acheter Bullshit.com au prix de 100 $ par action. »
Le problème est que personne n’a dit aux investisseurs que les règles avaient changées. Tout le monde le savait chez nous », explique un directeur. « Bob Rubin connaissait très bien les règles de souscription. Elles n’avaient pas changées depuis les années 1930. »
Jay Ritter, professeur de finance à l'Université de Floride, spécialiste des introductions en bourse, affirme que des banques comme Goldman savaient très bien que la plupart des offres publiques ne feraient jamais un sou. « Au début des années quatre-vingt, les grandes banques demandaient trois années de rentabilité. Puis ce fut une année, puis un trimestre. Au moment de la bulle Internet
Goldman a nié avoir changé ses normes de souscription au cours de la bulle Internet, mais ses propres statistiques le démentent. Tout comme il l'a fait avec les sociétés de placement dans les années 1920, Goldman a commencé lentement et a terminé dans l’exubérance irrationnelle lors des années Internet.
Après avoir introduit une société peu connu avec des fondamentaux plutôt faibles qui se nommait YAHOO en 1996, Goldman est rapidement devenu le roi de l'IPO de l'ère Internet. Sur les 24 entreprises listées en 1997, un tiers perdait de l'argent au moment de l'introduction en bourse. En 1999, au plus haut de la bulle internet, 47 entreprises ont été listées par Goldman, y compris des jeunes pousses comme Webvan et eToys, qui à de nombreux égards ont été les équivalents modernes de la Blue Ridge
Comment Goldman pouvait-il atteindre ces résultats extraordinaires? Une réponse est qu'ils ont utilisé une pratique appelée « laddering » (ndt je traduirais par « achat par paliers »), qui est une autre façon de dire qu’ils ont manipulé les prix des actions. Voici comment cela fonctionne: Vous êtes Goldman Sachs, et Bullshit.com vous mandate pour réaliser l’introduction en bourse. Vous vous engagez sur les conditions habituelles: Vous définissez le prix des actions, déterminer combien de parts vont être mise sur le marché (le flottant) et ensuite vos emmenez le PDG de Bullshit.com avec vous faire un « road show » auprès des investisseurs, le tout en échange d'une importante commission (généralement de 6% à 7% du montant levé). Vous promettez à vos meilleurs clients qu’ils auront le droit d'acheter des blocs d’actions à faible prix - disons 15$ par action de Bullshit.com - en échange d'une promesse qu'ils vont acheter plus d'actions plus tard sur le marché une fois qu’elle sera cotée. Et voilà, vous savez déjà avant l’introduction quelle sera l'avenir du cours de l’action, connaissances qui n'ont pas été divulguées à l’investisseur « lambda » (ndt – traduction gentille de « schmucks ») qui n'a à sa disposition que le prospectus pour prendre position. Vous savez que certains de vos clients qui ont acheté X nombre d'actions à 15 $ vont aussi acheter Y actions à 20 $ ou 25 $. Vous avez la garantie que le prix de l’action ira à 25 $ au moins et probablement au-delà. De cette façon, Goldman pourra artificiellement faire gonfler le prix de l’action, ce qui bien entendu bénéficie directement à la banque - une commission de 6% sur une IPO de 500 $ millions ce n’est pas rien.
Goldman a été poursuivi à maintes reprises par les actionnaires pour l'exercice de laddering, comme par exemple pour les sociétés Webvan et NetZero. Ces pratiques frauduleuses ont également attiré l'attention de Nicolas Maier, le responsable du syndicat de Cramer & Co., le « hedge fund » géré à l'époque par le désormais célèbre connard Jim Cramer (ndt. Jim Cramer officie aujourd’hui sur CNBC et dispense ses peu recommandables commentaires dans une émission populaire) et, lui-même ancien trader chez Goldman. Maier a déclaré à la SEC que, bien que travaillant pour Cramer entre 1996 et 1998, il a été maintes fois obligé de se livrer à des pratiques de laddering sur les cours des actions traitées par Goldman. « Goldman, d'après ce que j'ai vu, ils ont été les pires », a déclaré Maier. «Ils ont totalement alimenté la bulle. Et
Une autre pratique dans laquelle Goldman s’est engagé sans vergogne au cours de l'essor de la bulle Internet a été le « spinning », plus communément appelé corruption. Ici, la banque d'investissement offre aux dirigeants de la nouvelle entreprise bientôt cotée des actions supplémentaires à très bas prix, en échange de futurs contrats comme une augmentation de capital par exemple. Les banques engagées dans ce procédé sous-estimaient le prix de l'offre initial – s’assurant ainsi que le prix bas dont avait bénéficié quelques initiés seraient plus susceptibles d'augmenter rapidement, fournissant alors des les premiers jours de cotation de confortables bénéfices aux heureux élus. Ainsi, si nous revenons à Bullshit.com, la banque va proposer un million d'actions de sa propre entreprise à 18 $ à son PDG au lieu des 20$ précédemment calculé. En échange de quoi le PDG s’engage en travailler avec la Banque pour ses futures affaires. Voilà comment il est possible de détourner des liquidités qui au lieu d’aller sur le compte de la société pour financer sa croissance terminent dans les poches de son patron.
Dans un cas, Goldman aurait offert plusieurs millions de dollars à Meg Whitman, PDG d'eBay, qui, plus tard, rejoindra le conseil d'administration de Goldman, en échange de compter la firme spécialisée dans l’i-banking parmi les clients de Goldman. Selon un rapport du Comité des services financiers de la Chambre des représentants en 2002, Goldman a aurait fait une offre similaire à des exécutifs de 21 entreprises qui ont été listées, y compris à Jerry Yang co-fondateur de Yahoo! et de deux des plus grandes icônes du scandale financier - de Dennis Kozlowski de Tyco et Ken Lay de Enron. Après la publication de ca rapport, Goldman ne décolère pas et dénonce ce rapport comme «une grave distorsion des faits» - pour s’empresser peu de temps après de payer 110 millions de dollars pour mettre fin à une enquête lancé par l'État de New York sur la corruption et autres manipulations de la réglementation des marchés boursiers impliquant Goldman. « La corruption qui est intervenu lors des introductions en bourse n’est à prendre à la légère », déclarait le procureur général Eliot Spitzer l'époque. « Au lieu de cela, cela a été partie intégrante d'un système frauduleux pour gagner de nouveaux investissements, la banque d'affaires. »
Ces pratiques ont contribuées à faire de la bulle Internet l'une des plus grandes catastrophes financières de l'histoire. Ce ne sont pas moins de $ 5000 Milliards qui ont disparu rien que sur le NASDAQ. Mais le véritable problème ce n'est pas l'argent qui a été perdu par les actionnaires, mais celui qui a été acquis par les banques d'investissements, qui ont reçu de primes obscènes pour avoir manipulé le marché. Au lieu d'enseigner une leçon à Wall Street comme quoi les bulles se dégonflent quoiqu’il arrive, les années Internet ont montré aux banquiers qu’à l'âge de la libre circulation des capitaux et des banques d’affaires privées, les bulles sont incroyablement faciles à gonfler et les primes sont bien plus importantes lorsque la folie et l'irrationalité règnent en maître.
Nulle part cela n’a été plus vrai que chez Goldman. Entre 1999 et 2002, la firme a octroyé 28,5 milliards de dollars de primes – en gros une moyenne de 350.000 $ par an et par employé. Le plus important pour Goldman, l’héritage clé de la bulle Internet, c’est que notre système économique rend possible de telles bulles qui à leur tour permettent de dégager des énormes salaires et/ou bonus. Le mantra de Goldman, « avide sur le long terme », s’est dissous dans la bulle dès lors que le jeu consiste à toucher son chèque avant que la pastèque ne se fracasse sur le trottoir.
Le marché n’était plus un lieu gouverné par la raison avec pour but le développement d’entreprises rentables : il était devenu un immense océan d’argent et les banquiers utilisaient tous les moyens imaginables pour en drainer encore plus, pour ensuite le convertir en en bonus et salaires le plus vite possible. Vous avez fait du laddering et du spinning avec 50 introductions de sociétés Internet, et alors ? Le temps que la SEC se réveille et vous colle une amende de 110 millions de dollars, le yacht que vous avez acheté avec vos bonus avait déjà 6 ans. De plus, vous n’étiez probablement plus chez Goldman à ce moment-là, en charge des finances du pays ou de l’État du New Jersey. (Un des moments vraiment comiques de l’histoire de l’effondrement de la bulle Internet fut quand le gouverneur du New Jersey Jon Corzine, qui dirigea Goldman de 1994 à 1999 et partit avec 320 millions de dollars grâce aux introductions en bourse, affirma en 2002 : « Je n’avais jamais entendu le terme laddering jusqu’à aujourd’hui. »)
Pour une banque qui paye 7 milliards de dollars par an en salaires, 110 millions d’amendes à payer 5 ans plus tard étaient rien moins que dissuasif – c’était une plaisanterie. Une fois que la bulle Internet avait éclaté, Goldman ne chercha pas à réexaminer sa stratégie de recherche du profit ; la banque chercha juste une autre bulle à gonfler. Il s’avéra que, en grande partie grâce à Rubin, une autre était prête.
Vous pourrez lire la partie 2 ici : Goldman Sachs : La grande machine américaine à fabriquer des bulles - partie 2/3
La partie 3 ici: Goldman Sachs : La granfe machine américaine à fabriquer des bulles partie 3/3
Pouvez-vous indiquer la source de cet article svp ? La mauvaise qualité de la traduction (les fautes surtout...) me pousse à lire l'original...
Rédigé par : Zer | 07 août 2009 à 00:31
http://www.rollingstone.com/politics/story/28816321/the_great_american_bubble_machine
Rédigé par : Zer | 07 août 2009 à 15:49
Deux liens vers une version complète de l'article (dont un en PDF) ont été ajouté dans la note.
Rédigé par : fabrice | 07 août 2009 à 16:04